Propos recueillis par Karima Hajji

Rabat – La composante féminine du corps médical (médecins, infirmières, sages-femmes…) joue un rôle majeur dans la prestation de services de soins centrés sur le patient et contribue, avec dévouement, au développement du système de santé national.

Opter pour une carrière professionnelle dans le secteur de la santé n’est pas chose anodine pour la gent féminine, au regard des nombreux défis et contraintes du domaine.

Dans cet entretien accordé à la MAP, le médecin et chercheur en politique et systèmes de santé, Tayeb Hamdi, répond à trois questions sur la place de la femme dans les différentes spécialités médicales, sa contribution dans le développement du système de santé ainsi que les principales contraintes rencontrées et les mécanismes adéquats pouvant hisser le rôle de la femme dans ce secteur vital.

 

1- Quelle est votre évaluation de la présence féminine dans le système de santé ? Y a-t-il des statistiques à cet égard ?

Il existe une forte présence féminine dans le secteur de la santé à l’échelle mondiale, avec un taux de près de 70%. Cependant, seuls 25% des postes de responsabilité sont occupés par des femmes, ce qui révèle une réalité managériale à prépondérance masculine. C’est une problématique qui doit être réglée, outre une réalité salariale marquée par un écart allant jusqu’à 24%.

Au Maroc, 3 médecins sur 5 sont des femmes, alors que parmi le personnel infirmier et les techniciens de la santé, les femmes occupent les deux tiers des postes. Cette présence augmente annuellement.

Cependant, cette forte présence ne se reflète pas au niveau des organes représentatifs. Par exemple, seulement le tiers de l’Ordre national des médecins est composé de femmes. Et encore, cette proportion n’a été atteinte qu’à la faveur de la loi relative à l’Ordre national des médecins.

Ce cas est une illustration parfaite d’une problématique globale, celle de la faible représentativité féminine au niveau des centres décisionnels, malgré une forte présence dans le secteur de la santé.

 

2- Comment la présence féminine contribue-t-elle au développement du système de santé et quelles sont les principales contraintes rencontrées ?

Les systèmes et politiques de santé dans leur ensemble ne peuvent être efficaces et efficients que s’il y a une reconnaissance de la pleine contribution de tous les intervenants, hommes et femmes.

Par conséquent, il est essentiel d’impliquer les femmes professionnelles de la santé dans la planification, le leadership et la mise en œuvre.

L’importance de cette donne est mise en évidence par la réalité sociale du Maroc où la femme, qu’elle soit professionnelle de santé ou non, s’implique sept fois plus que l’homme dans la préservation de la santé de la famille (alors que la moyenne mondiale est de trois fois plus).

Par ailleurs, l’importante présence féminine dans le secteur de la santé est confrontée à un certain nombre de contraintes, notamment l’autocensure que s’imposent certaines femmes et qui bride leur potentiel professionnel, les contraintes imposées par la vie familiale marquée par un partage inéquitable des tâches ménagères entre l’homme et la femme et le faible accès aux postes de responsabilité.

3- Quels sont les mécanismes pouvant hisser le rôle de la femme dans le secteur de la santé  ?

En vue de promouvoir la présence féminine dans le secteur de la santé, il est nécessaire d’augmenter les postes à pourvoir dans un domaine qui souffre d’un véritable manque de ressources humaines, et de permettre aux femmes d’accéder, équitablement, aux postes de responsabilité.

Il convient également de mettre en place un mécanisme professionnel permettant de contrer le harcèlement au travail et les violences auxquelles les femmes peuvent être exposées dans l’exercice de leur travail.

Il est en outre essentiel d’accorder l’attention nécessaire à la question de la maternité, qui se transforme bien souvent en obstacle à la carrière des femmes et en frein à leurs aspirations professionnelles.

Les femmes travailleuses doivent jouir de tous leurs droits en matière de grossesse et d’allaitement pour leur permettre de concilier vie privée et professionnelle et ainsi améliorer leur rentabilité.