Aimad OUHAKKI

Mexico- “Duel féminin pour la première fois de l’histoire”, “Une présidente de gauche ou de droite”, “Xóchitl Gálvez ou Claudia Sheinbaum”, des titres parmi d’autres qui meublent les Unes des journaux et alimentent les débats au Mexique. Tant le parti au pouvoir que la coalition de l’opposition ont porté le choix sur des femmes à la course pour la présidentielle de 2024, une première dans l’histoire du pays.

Morena, le parti au pouvoir a nommé l’ancienne maire de Mexico Claudia Sheinbaum comme candidate à la présidentielle face à la sénatrice Xóchitl Gálvez, candidate d’une coalition de trois partis de l’opposition.

Sheinbaum a été choisie à la suite d’un sondage d’opinion. Les deux principaux prétendants de cette formation politique étaient Sheinbaum et l’ancien ministre des Affaires étrangères Marcelo Ebrard.

De son côté, Gálvez, âgée de 60 ans, sera la candidate du “Frente amplio”, une coalition de trois partis de l’opposition, à savoir le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), le Parti d’action nationale (PAN) et le Parti de la révolution démocratique (PRD). Sénatrice du PAN, Gálvez a été maire de l’arrondissement de Miguel Hidalgo à Mexico entre 2015 et 2018.

Selon les observateurs, une femme à la tête du pays représente, au delà des programmes et des politiques promis, un « grand pas en avant» dans un pays qui enregistre chaque année des milliers de cas de violence contre les femmes, allant jusqu’au point du meurtre.

Duel Sheinbaum/Galvez ou la lutte face au machisme en politique

Au-delà du fait qu’il s’agit d’une première dans l’histoire du pays où seules deux femmes se partagent la course présidentielle, ce cas de figure met en avant une lutte ancienne des Mexicaines contre la violence croissante, puisqu’elles font partie des catégories les plus vulnérables face à l’insécurité, la violence des gangs et la société majoritairement machiste, indique le politologue Carlos Perez Ricart.

Dans des déclarations rapportées par « Le Milenio », M. Ricart a fait savoir que la candidature de Sheinbaum et Galvez constitue une victoire au sein des deux formations politiques, qui étaient jusue là dominés par des hommes.

Cette réalité s’applique, selon lui, aussi bien pour la gauche qui a dirigé le pays pendant de nombreuses années que pour la droite à la tête de l’opposition, constitué en partie de l’une des formations les plus anciens de la scène politique.

Dans la même optique, l’expert a souligné que la compétition oppose également deux femmes politiques de premier plan. D’un côté, Sheinbaum, chef du gouvernement local de Mexico, la ville la plus grande et la plus complexe du pays en termes de densité et d’enjeux économiques, politiques et même environnementaux, connue pour ses «combats sociaux » en faveur des catégories vulnérables, et de l’autre, Galvez, la politicienne expérimentée qui représente la population indigène du Mexique qui, en défendant certains droits et libertés controversés tel l’avortement, a réussi à « unifier » les positions de trois partis.

La gauche face à la droite, deux modes de gestions diamétralement opposés

La nomination de Claudia Sheinbaum, largement majoritaire lors des primaires du parti au pouvoir, reflète la volonté de la gauche, menée par l’actuel président Andres Manuel Lopez Obrador, de rester au pouvoir pour un autre mandat (2024/2030).

Les observateurs estiment que « l’immunité » que López Obrador a accordée à Sheinbaum tout au long des primaires et également lorsqu’il a dirigé le gouvernement local du Mexique vise sans doute à pérenniser le « projet de transformation » lancé en 2018 axé notamment sur la lutte contre la corruption et la pauvreté, et le renforcement de la sécurité.

Outre le gouvernement fédéral, Morena gouverne 22 des 32 États du pays et compte plus de la moitié des 500 représentants au Congrès.

Ces dernières années, il a réussi à détrôner le Parti révolutionnaire institutionnel, longtemps au pouvoir et qui fêtera son centenaire en 2029, d’autant plus qu’il n’a pas présenté de candidat aux prochaines élections présidentielles, pour la première fois de son histoire.

La candidature de Sheinbaum repose sur les principes d’un mouvement de gauche émergent au sein du gouvernement, en adoptant des visions moins idéologiques et plus technocrate.

Sur l’autre front s’affiche, une femme politique expérimentée qui représente la droite mexicaine (Parti d’action nationale) aux côtés du Parti de la révolution démocratique (gauche) et le Parti révolutionnaire institutionnel (centre-droit) réunis en coalition politique pour faire face au parti au pouvoir et briguer la présidence

Galvez bénéficie du soutien de l’élite économique et des intellectuels conservateurs, mais ses détracteurs lui reprochent de grandes contradictions idéologiques lors de sa candidature à la présidence et, par conséquent, de ne pas être une candidate honnête”.

Galvez n’hésite pas à exprimer sa fierté d’appartenir au peuple indigène du Mexique, mais sans développer un véritable discours politique qui s’appuie sur cette expérience ou cherche à l’enrichir, selon les observateurs.

Elle prétend adopter les idées des trois partis qu’elle soutient, à savoir le libéralisme économique (Parti d’action nationale – droite), la justice sociale (Parti de la révolution démocratique – gauche) et l’héritage institutionnel (Parti révolutionnaire institutionnel – centre droit).

Selon les derniers sondages d’opinion, la candidate de gauche, Claudia Sheinbaum, a obtenu plus de 44 pc des intentions de vote, contre 60,1 pc en juillet dernier, alors que la candidate de l’opposition, Suchil Galvez, continue de réduire l’écart après avoir obtenu environ 31 pc des intentions de vote, contre seulement 21 pc lors des sondages de juillet dernier.

Morena, qui a été créé à l’initiative du président sortant Andrés Manuel López Obrador, avait remporté haut la main les élections législatives et présidentielles en 2018.