Par Karima Hajji

Rabat – Sortir de chez soi en plein jour et profiter des rayons du soleil, de simples gestes qui s’apparentent à un rêve lointain pour les personnes atteintes de “xeroderma pigmentosum”, appelés “enfants de la lune”.

La nature de cette maladie génétique rare contraint les malades à rester cloîtrés chez eux toute la journée et à ne pas s’exposer au soleil qui leur cause des lésions cutanées et des brûlures graves très difficiles à traiter, et pouvant entraîner un cancer de la peau. A ce jour, il n’existe pas encore de traitement efficace contre cette maladie, les mesures préventives demeurent donc la seule solution pour éviter son aggravation.

Pour pouvoir faire face à cette maladie, les personnes atteintes et leurs familles mènent un véritable combat.

Fatima Zahra Ghazzaoui, une jeune femme touchée par cette maladie avant l’âge de deux ans, s’active pour faire connaître les particularités du “xeroderma pigmentosum” et aider les familles à s’occuper des patients et à lutter contre les intimidations que subissent les enfants de la lune.

Dans un entretien accordé à la MAP, elle soutient qu’”il est pénible de vivre avec cette maladie, qui empêche les personnes touchées de mener une vie normale, car elle les oblige à s’abstenir de sortir pendant la journée, les prive de la scolarisation et les contraint à des mesures préventives strictes et à l’utilisation de médicaments et onguents coûteux.”

“J’ai mené un long combat contre cette maladie que j’ai contractée à l’âge de deux ans. J’ai 31 ans aujourd’hui, soit 29 ans de lutte pour la scolarisation, la couverture médicale et l’achat de médicaments et d’onguents coûteux, certes, mais nécessaires pour éviter l’aggravation de la maladie”, souligne Fatima Zahra Ghazzaoui sur un ton de tristesse, sans pour autant cacher sa combativité.

Cette native de Mohammedia raconte comment elle s’était rebellée au début contre les directives des médecins et insistait pour sortir pendant la journée et poursuivre ses études, ce qui lui a provoqué de graves complications l’obligeant à subir plusieurs interventions chirurgicales, avant qu’elle n’ait été forcée d’abandonner l’école primaire en raison du manque d’établissements scolaires dispensant des cours du soir.

Malgré cette rude épreuve, la jeune femme qui déborde d’énergie et d’optimisme explique : “Je n’étais pas consciente au début de ma maladie, et j’ai choisi de mener une vie d’enfant normale en dépit des avertissements de ma famille. Résultat, de graves ulcérations et des tumeurs cancéreuses au niveau de différentes parties de mon corps, dont les paupières et la langue, à cause desquelles j’ai subi des dizaines d’opérations chirurgicales, avant d’être finalement convaincue que je n’avais d’autre choix que d’adhérer à un mode de vie qui se limite à rester à la maison toute la journée et de ne sortir qu’après le coucher du soleil”.

C’est ainsi que Fatima Zahra Ghazzaoui menait sa vie avant de bénéficier, à l’âge de 28 ans, d’un masque de protection offert par une mécène, qu’elle porte pour sortir dans la journée et se protéger des rayons du soleil, chose qui lui a redonné espoir et l’a motivé pour soutenir les “enfants de la lune” et leur fournir des masques, des onguents, de la crème solaire et d’autres fournitures médicales afin qu’ils puissent vivre leur vie normalement.

Elle a rejoint à cette fin une initiative associative aux côtés de son père, qui a créé en 2012 l’Association de Solidarité avec les Enfants de la Lune, avec comme mission de sensibiliser à la nécessaire prise en charge des personnes touchées par cette maladie pour les sortir de leur isolement en organisant des activités récréatives et divertissantes.

En tant que jeune femme qui maîtrise les moyens de communication modernes, Fatima Zahra Ghazzaoui a eu recours aux réseaux sociaux pour mettre la lumière sur les souffrances des personnes atteintes de cette maladie au Maroc, en partageant son quotidien dans le but de leur redonner espoir et de les convaincre qu’il est possible de vivre avec le “xeroderma pigmentosum”.

“Grâce aux réseaux sociaux, j’ai pu publier des vidéos pour faire connaître la maladie et appeler à mettre un terme aux propos blessants et à l’intimidation, qui conduisent à avoir des idées suicidaires. Il est du devoir des gens de respecter la particularité de notre maladie et de ne pas faire de commentaires négatifs sur les enfants de la lune ou sur des personnes atteintes d’autres maladies rares”, affirme-t-elle.

Evoquant le secret de sa forte personnalité, Fatima Zahra Ghazzaoui se confie : “Je ne vous cache pas que j’ai souffert de grands troubles psychologiques dus à la rigueur de mon mode de vie et à l’interruption de ma scolarité, ainsi qu’en raison des vexations qui nuisaient à ma personne, mais je me suis décidée à me relever et à ne pas baisser les bras, pour moi-même d’abord, pour ma famille qui m’a toujours soutenu, mais aussi pour tous les enfants de la lune.”

Fatima Zahra Ghazzaoui souligne que son rôle a été décisif depuis son enfance et a contribué à renforcer sa personnalité et sa résilience face à toutes les épreuves qu’elle a dû affronter : “Ma famille a toujours été à mes côtés, tant sur le plan psychologique qu’au niveau de ma protection. Mes parents ont équipé les fenêtres de la maison de brise-soleil et tenu à opter pour un éclairage tamisé pour que ma peau ne soit pas affectée par les rayons”.

Elle semble satisfaite de ses accomplissements en soutien aux “enfants de la lune” et se montre plus optimiste quant aux progrès qui se réalisent en leur faveur, notamment après la signature d’accords de partenariat visant à venir en aide à ces enfants à tous les niveaux, social, économique et médical.