Par Meriem RKIOUAK

Rabat – Oser le changement: c’est la devise de Laila Ouachi, présidente de l’association Lagon Dakhla pour le développement du sport et de la culture. Une femme qui n’a pas peur de quitter sa zone de confort pour vivre de nouvelles expériences, à commencer par son look.

Confortablement assise derrière son bureau chic à l’agence OL Consulting au quartier Agdal à Rabat, tailleur élégant, talons aiguilles et coiffure impeccable, Laila n’a besoin que de quelques minutes pour quitter sa tenue BCBG et enfiler sa casquette et ses baskets de sportive pour aller courir à toutes jambes, toujours pour la bonne cause.

L’organisatrice du Raid féminin sportif et solidaire Sahraouiya à Dakhla est une accro au sport, qu’elle pratique et promeut auprès de ses congénères comme outil d’émancipation et de sensibilisation à l’égalité homme-femme.

C’est que pour cette sportive de haute volée doublée d’une associative aguerrie, “les discriminations basées sur le genre sont encore légion dans les milieux sportifs et elles prennent plusieurs formes: accès limité aux postes de responsabilité, sous-rémunération par rapport aux hommes, poids des traditions qui entrave la pratique de certaines disciplines et le déplacement pour participer aux tournois, harcèlement moral et physique… Et la liste est loin de s’arrêter là”, relève-t-elle dans une déclaration à la MAP.

Une triste réalité qui ne reflète pas, selon notre interlocutrice, “l’énorme potentiel” du sport féminin et ses belles performances récentes, ni la montée en popularité du sport auprès des femmes et des jeunes filles, de plus en plus nombreuses à faire du jogging, du tennis ou du hand-ball à la forêt ou dans la rue.

“Le sport doit être un élément fondamental dans tous les efforts visant à promouvoir les droits des femmes. Il doit y avoir une volonté et une stratégie gouvernementales pour encourager la pratique sportive féminine, qu’elle soit professionnelle ou amateure”, clame-t-elle.

Laila ne tarit pas d’éloges sur les bénéfices du sport, un exercice salvateur sur les plans physique et psychique.

Et d’argumenter: “prenez l’exemple du raid Sahraouia. Pour participer à l’épreuve, les participantes sortent de leur zone de confort et partent en terrain inconnu en laissant derrière elles mari et progéniture pendant une semaine. Vous n’imaginez pas l’impact d’une telle aventure sur elles en termes d’épanouissement, de dépassement de soi et d’indépendance morale”.

Si “Sahraouiya” est un vrai challenge pour celles qui y prennent part, il l’a aussi été pour sa cofondatrice, Laila Ouachi.

La femme d’affaires se remémore avec émotion les balbutiements du début, en 2012, quand le projet n’était qu’une vague idée.

“Il fallait tout construire, tout penser, chercher des partenaires, des participantes… Ce qui n’était pas évident. Décidément, on revient de loin. Aujourd’hui, on reçoit des demandes d’inscription spontanées du monde entier, des demandes de couverture médiatique de plusieurs pays du globe. Côté institutionnel, nous avons réussi à fédérer beaucoup de partenaires autour de cet événement sportif et solidaire. Bref, Sahraouiya est devenue une marque connue et reconnue à travers le monde”, dit-elle non sans fierté.

Outre cette opération pub’ qu’elle a menée de main de maître, forte en cela d’une longue carrière en communication et lobbying, cette ancienne responsable de production à 2M et conseillère de l’ancien premier ministre Driss Jettou est aussi fière d’avoir pu placer l’action associative au cœur de l’image de marque de “Sahraouiya”.

“Toutes les participantes sont parrainées par des associations et elles représentent diverses classes sociales et divers pays. La dernière édition a fédéré une trentaine d’ONG. On a réussi à lever des fonds pour venir en aide aux populations locales qui sont dans une situation de précarité. Et au-delà de Sahraouiya, nous menons des actions humanitaires sur toute l’année. Bref, nous avons réussi à réunir toute une communauté de femmes autour des valeurs de solidarité, d’altruisme et de citoyenneté. C’est là notre plus grand exploit”, affirme-t-elle.

Patronne d’une agence de consulting, organisatrice du raid Sahraouiya, présidente de l’association Lagon dakhla pour le développement du sport et de la culture, présidente de la fondation Hassan Senoussi qui soutient les femmes et les enfants en situation difficile… Laila n’a pas peur de cumuler les casquettes et les responsabilités, qu’elle assume avec abnégation et endurance. Ce qui ne l’empêche pas de s’offrir du temps à elle pour s’évader, méditer, se ressourcer… Quand elle n’est pas dans son bureau, sur le terrain d’une course ou d’un village pour chapeauter une action humanitaire, allez la chercher en dehors des sentiers battus, à faire du kitesurf dans une plage ou à randonner au pied d’une montagne.

Pour se relaxer et reprendre des forces après une rude journée de travail, rien ne vaut une pause spa et massage, un succulent tajine de poulet à la “daghmira” (sauce d’oignon onctueuse) des mains de sa maman et de la bonne musique classique (Oum Kaltoum, Ouarda ou de la musique soul).

A propos de la journée internationale de la femme et des défis qui restent à relever en ce qui concerne l’amélioration de la situation des femmes, Laila Ouachi estime urgent de trouver des solutions au problème des mamans célibataires qui sont rejetées de la société ainsi que leurs enfants.

“Il est malheureux de constater que ces femmes n’ont aucun droit, même pas celui d’établir un livret de famille pour leurs enfants. C’est la raison pour laquelle, au Maroc d’aujourd’hui, on continue de voir des nourrissons jetés à la poubelle, des enfants abandonnés dans la rue… “, regrette-elle.

Selon cette féministe de la première heure, qui se dit fortement influencée par l’œuvre et le combat de feue Aicha Echenna, outre l’évolution des textes, “il nous faut une évolution des mentalités et un investissement plus conséquent dans les volets relatifs à la formation des assistantes sociales, l’orientation juridique et l’accompagnement psychologique et socioéconomique des mamans célibataires”.