Rabat- Femme à la main verte qui sublime les jardins et les espaces extérieurs, Miya Belkora fusionne dans ses réalisations créativité et esthétique. A la croisée des chemins entre artiste confirmée et artisane habile, cette experte du végétal et d’aménagement du paysage exprime son talent à travers un langage harmonieux où dominent fleurs, arbustes et émotions.

Dans sa conception de ces espaces à la fois modernes et innovants, le souci d’un projet éco-responsable est toujours présent chez cette jeune dame pleine de ferveur et de vivacité.

Méticuleuse dans ses choix, elle favorise les matériaux durables comme le bois, le marbre, la pierre, le galet et le gravier, ainsi que l’acier corten qui se caractérise par son aspect rouillé, outre des méthodes d’entretien respectueuses de l’environnement.

Native de Rabat, Miya a grandi aux côtés d’un père, médecin, amoureux de la flore, un amour qui l’a poussé à tenir une pépinière.

Après un diplôme en Communication à l’Université d’Ottawa, au Canada, la jeune Miya cherchait toujours à trouver son chemin. Sa vie prit un tournant décisif, lorsqu’elle choisit de bifurquer pour enchaîner avec une formation d’aménagement paysager couronnée par un diplôme de designer de Jardins à l’Université de Montréal en 2008.

Une fois de retour au Maroc une année après, Miya a réussi à s’imposer et à briller dans un domaine en plein essor et un marché pas encore mature. Elle s’installe dans sa ville natale et ouvre sa propre agence de conception en aménagement paysager.

Celle qui aime la lumière et privilégie les senteurs et les couleurs pour exprimer son amour à la nature a su très bien s’extraire des carcans réducteurs du métier et s’ouvrir sur de nouvelles perspectives en introduisant des jardins avec des structures géométriques surprenantes et des formes différentes permettant de façonner l’espace jusqu’à l’infini.

Du petit espace au grand terrain, Miya offre son conseil pour se faire créer son coin de paradis vert. “Chaque projet est unique”, a-t-elle confié à la MAP, le sourire aux lèvres.

La conception se fait sur mesure en fonction des besoins des clients et de l’environnement qui s’y prêtent dans le respect total de la nature, a fait savoir Miya, ajoutant que tout espace vert est susceptible d’accueillir une biodiversité et former ainsi un écosystème à lui tout seul.

D’où la nécessité, a-t-elle souligné, d’un fin connaisseur de la faune et de la flore qui maîtrise également les contraintes techniques liées au terrain (type de sol, climat, végétation, irrigation).

Après définition des besoins du client, le paysagiste dessinateur ou concepteur esquisse son projet par un croquis ou plan intégrant les spécificités techniques en collaboration avec des architectes, des urbanistes et des horticulteurs sans négliger l’aspect créatif et esthétique.

“Le travail du paysagiste est très technique et consiste à connaître l’histoire des jardins et cerner les interdistances entre les plantes et leurs densités, les jonctions des différentes textures et hauteurs”, a-t-elle précisé lors d’une rencontre dans un patio d’un riyad à la médina de Rabat où la végétation a été omniprésente. La couleur noire de la tapisserie et le vert des plantes s’entremêlent, offrant un contraste magnifique.

Évoquant la mission du paysagiste, Miya a fait observer que cette activité requiert minutie, rigueur et une bonne condition physique car il s’agit de manipuler des plantes, des êtres vivants et complexes, et de travailler à l’extérieur dans des conditions climatiques des fois rudes. Un défi que Miya relève fièrement.

Acharnée, Miya a réussi à se construire une bonne réputation en enchaînant les projets (villas privées, projets résidentiels, hôpitaux, centres commerciaux, hôtels).

Fortement influencée par des paysagistes marocaines comme Mounia Bennani, qui a écrit un livre “Villes-Paysages du Maroc”, Miya s’est dite fière que ce métier “se féminise de plus en plus” dans notre Royaume, faisant remarquer que la compétence féminine marocaine est largement respectée ici et ailleurs, notamment dans ce domaine.

“Nous sommes souvent des porte-parole des questions environnementales, sociales et économiques qui peuvent être abordées par la création d’espaces verts dans les communautés”, a-t-elle avancé avec une voix énergique.

Elle a aussi noté une “prise de conscience croissante de l’importance de l’égalité des sexes dans la société et de la valeur que les femmes peuvent apporter dans le domaine tels que l’aménagement paysager”.

Côté style, Miya cède plutôt la place à l’imagination, offrant une immersion magique dans l’univers végétal. “J’imagine un jardin qui respecte l’architecture et la nature tout en étant fonctionnel”, a-t-elle dit joyeusement.

Pour le choix des végétaux, en association avec arbres, arbustes et bambous, Miya tente d’intégrer de très belles graminées pour obtenir un effet visuel intense et inédit qui s’éloigne des graminées largement utilisés au Maroc.

“Cela enrichit la diversité de nos jardins et aussi la biodiversité”, a-t-elle assuré d’une voix flûtée.

Autre style à décliner, celui du jardin sec qui constitue aussi une alternative à la fois écologique et économique des plus en vogue de nos jours. Vu comme une réponse au gaspillage d’eau, ce jardin se distingue par son aspect aride et son caractère minéral.

“Je n’hésite pas à marier minéral et végétal en proposant des jardins secs, avec des couvre-sol différents, entre galets, paillages et sculpture de roche, en lieu et place du tout gazon”, a-t-elle expliqué.

Le choix, a-t-elle ajouté, peut porter aussi sur des végétaux qui ne nécessitent pas trop d’entretien et de tonte et consomment très peu d’eau comme le zoysia tenuifolia, une graminée rustique et vivace, qui résiste à la sécheresse, aux fortes chaleurs ou encore au piétinement. Une vraie solution pour les pelouses dans les zones urbaines afin de réduire la consommation d’eau d’arrosage, notamment automatique dont l’installation nécessite un budget conséquent.

Dans cet élan, elle a mis en exergue la prise de conscience de la problématique de l’économie d’eau notamment dans l’élaboration des politiques urbaines et de l’importance de la place des espaces verts dans l’amélioration du cadre de vie dans les zones urbaines, citant les efforts déployés dans ce sens pour faire de Rabat “une ville verte”.

Ce cadre de vie agréable auquel aspire tout citoyen marocain se manifeste également dans l’architecture contemporaine qui, à travers des baies vitrées, assure une transition entre intérieur et extérieur.

“Dès qu’on dispose de 2, 4 ou 6m2, un projet de jardin aménagé peut naître, bien au-delà d’un simple alignement de pot de fleurs”, a-t-elle dit, ajoutant que la conception diffère selon le type du jardin sec, jardin tropical, jardin asiatique, jardin contemporain ou bien arabo-andalou.

En dehors de son univers paysagiste, Miya, maman d’un petit garçon, est une touche à tout. Elle était chroniqueuse radio sur le Jardin et l’environnement sur la radio nationale et s’intéresse à la restauration car elle tient, aux côtés de son mari, une maison d’hôtes à Bab Laalou.

Artiste dans l’âme, Miya est aussi lauréate (demi-finaliste) de Studio 2M dans son édition de 2005 et a chanté avec Stevie Wonder à Mawazine 2009.