Maria Khadraoui-

 

Rabat- Aussi injuste soit-elle, la discrimination salariale persiste bel et bien dans le secteur privé en dépit de l’existence de lois garantissant aux femmes un salaire égal à celui des hommes. À l’occasion du 8 mars, journée dédiée aux femmes, à leur parcours et à leur combat, un bilan de la législation relative au travail s’impose.

Si la Journée internationale des femmes se veut l’occasion pour elles de fêter leurs réalisations sociales, économiques, culturelles et politiques, de faire entendre leurs revendications et d’améliorer leur situation, elle sert également d’opportunité pour tirer la sonnette d’alarme sur des problématiques non résolues, notamment l’inégalité des salaires dans le secteur privé.

Avec un écart salarial significatif de 30% en défaveur des femmes signalé en mars 2022 par le Haut-commissariat au Plan, un long chemin reste à parcourir pour permettre à celles qui se battent pour la valorisation de leurs compétences de jouir d’un salaire digne et égal à celui de leurs homologues masculins.

«La loi est très claire quant aux inégalités salariales entre les hommes et les femmes, à commencer par la Constitution dont l’article 19 stipule que les hommes et les femmes jouissent, à égalité, des droits à caractères économique et social», a souligné Yasmine Zaki, avocate au Barreau de Casablanca, dans un entretien accordé à la MAP.

Il existe de nombreuses raisons derrière les inégalités salariales et certaines sont liées à une «mentalité patriarcale et à des stéréotypes de genre qui sont prédominants», a-t-elle relevé, ajoutant que plusieurs études ont mis en exergue une forme de dévalorisation du travail des femmes face à celui des hommes. Selon l’avocate, cette problématique trouve également ses racines dans la priorité accordée à l’homme quant à l’accès au travail et à la gestion des revenus qui en découlent.

Malgré les dispositions relatives à l’interdiction des discriminations dans le code du travail et le code pénal, il n’existe pas de programmes de prévention, de lutte ou de sensibilisation sur les lieux de travail, a déploré la juriste qui décrit pourtant l’arsenal juridique marocain comme l’un des plus riches de la région MENA.

Ainsi, Me Zaki estime qu’il est «impératif» de favoriser la présence des femmes au sein des instances décisionnelles et de prendre en considération les recommandations faites par les mouvements féministes marocains proposant « des solutions durables et applicables ».

De son côté, Me Abdelrhani Nkaira, avocat et spécialiste en droit du travail, a soutenu que les salariés ont besoin d’en savoir plus sur leurs droits au travail et qu’ils se doivent de confier leurs problèmes à des avocats spécialisés dans ce domaine.

Le code du travail contient plusieurs sanctions pénales, mais afin que celles-ci soient appliquées, une demande doit être adressée au procureur du roi, a-t-il expliqué, indiquant que la sanction réservée au non-respect de l’article 9 du code du travail, citée dans l’article 12, prévoit une amende pouvant aller jusqu’à 30000 dhs.

Alarmé par une «négligence importante» de ce sujet, Me Nkaira a dénoncé la «quasi-inexistence» de l’inspecteur du travail qui devrait jouir de plus de pouvoirs et de prérogatives pour effectuer des visites et des contrôles au sein des entreprises. Le but étant de dresser des procès-verbaux en cas d’infraction du code du travail et d’assurer ainsi l’application des sanctions prévues pour chaque infraction.

Les lois qui existent actuellement sont «largement suffisantes», a fait valoir le spécialiste en droit du travail, appelant les salariés à se renseigner davantage sur leurs droits, en vue de pouvoir les réclamer.

Si l’on se réfère aux propos des deux experts, il n’existe nul besoin de revenir sur les lois qui existent actuellement car elles sont claires et précises. L’enjeu est de faire adopter celles-ci par la société et d’inciter les femmes à revendiquer leurs droits de manière insistante en vue de parvenir un jour à leur application effective.