Par Soumia AL ARKOUBI

Rabat – “La recherche comporte et comportera toujours une part importante d’activité créatrice”. Cette citation de Pierre Joliot dans son ouvrage “La recherche passionnément” semble être la devise de Dalila Bousta, Professeure de l’enseignement supérieur en pharmacologie à l’Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès.

Cette dame, qui a occupé le poste d’ex-Directrice adjointe chargée de la recherche scientifique, la formation continue et la coopération à l’Institut national des plantes médicinales et aromatiques (INPMA) pendant cinq ans, trouve en la recherche “principalement la créativité à la croisée de trois aspects : la curiosité, la découverte de l’inconnu et la concrétisation”.

La recherche prend une grande place dans la vie de Mme Bousta, également responsable du Point de Contact national thématique du programme Horizon Europe, Infrastructures de recherche et Centre conjoint de recherche, pilier “excellence scientifique” -Programme européen pour la période 2021-2027.

“Ma vie se résume dans le travail et ma famille. Ça paraîtra certainement triste pour d’autres personnes qui voient la vie autrement ! (…). Des fois, tellement je culpabilise pour ceux qui m’aiment et que je vois peu, même en étant avec eux, parce que c’est la recherche qui l’impose !”, déclare à la MAP cette maman de trois enfants: deux filles et un garçon.

Cette culpabilité est toutefois tempérée par un sentiment de satisfaction. “Pour moi, c’est très satisfaisant, et même plus !”, lance notre interlocutrice avec un regard apaisé et apaisant.

Le sentiment de satisfaction monte crescendo lorsque l’un des ses articles ou travaux scientifiques est publié.

Mais il s’agit d’une satisfaction “temporaire”, selon cette ex-coordinatrice de plusieurs projets européens ou d’action bilatérale Maroc-Turquie qui a été l’auteure et la co-auteure de plus de 100 articles, dont 80 indexés scopus avec un h-index de 15, et de quatre brevets d’invention dont un est publié au niveau national et international.

“Rebelote, il faut encore travailler … ça ne finit jamais. Les bons chercheurs sont des personnes très exigeantes envers elles-mêmes, des fois même un peu trop.. !”, enchaîne la co-auteure d’un ouvrage sur “Safran, le remède naturel contre le stress et la dépression” qui a été publié en 2015.

Interrogée sur le choix de la pharmacologie comme spécialité, celle qui a obtenu son Doctorat d’université en 2001 de l’Université de la Lorraine à Metz (France) en pharmacologie répond avec assurance: “C’est un choix que j’assume pleinement et dont je suis fière”.

En dépit de son succès académique éclatant, cette femme élégante, à la posture presque parfaite et à la démarche gracieuse, n’hésite pas à évoquer les obstacles auxquels elle fait face dans ce domaine.

“Honnêtement, les obstacles de la recherche sont plus liés au système de la recherche au Maroc de manière générale. Ce dernier a besoin d’être revu et reformulé dans une réforme qui correspond aux attentes et aux priorités du pays, tout en offrant plus de moyens pour la recherche”, dit-elle, niant en bloc que les difficultés en la matière soient liées au sexisme.

“A mon avis, pas de discrimination réellement palpable et significative ! Sinon, je l’aurais dit et à haute voix. Les contraintes sont cette fois-ci généralisées sur les deux sexes”, insiste notre chercheuse élégante et connue par ses coéquipiers, hommes et femmes, pour sa transparence et sa facilité de contact.

Mme Bousta se dit, par ailleurs, reconnaissante à son expérience de management au sein de l’INPMA qui lui a apporté “énormément en maturité scientifique et administrative” et lui a permis de voir aussi les contraintes du personnel administratif “qui essaye de satisfaire en temps et en heure les besoins du chercheur”.

Durant ces années à l’Institut, elle a opté pour un style de management “collaboratif et persuasif”, jugeant que “la mentalité directive du manager est très dépassée de nos jours”.

L’emploi du temps de notre dame, également experte auprès du Centre national de la recherche scientifique et technique de Fès depuis 2019 et experte/évaluatrice de certains projets auprès de l’Université Mohammed VI Polytechnique depuis 2021, paraît trop chargé pour se consacrer à ses passions.

“J’ai honte, mais j’en ai pas beaucoup ! Je vais en citer deux que j’essaye de maintenir : les voyages (il me reste encore pas mal de pays à voir) et la lecture de magazines scientifiques”, nous révèle cette scientifique aguerrie qui réalise nombre d’expertises en faveur de sociétés françaises dans le développement de dossiers de sécurité préclinique.

Nous pouvons déduire alors que le train-train de vie quotidien de Mme Bousta, qui a soutenu un mémoire de Diplôme d’études approfondies (DEA) et une thèse de Doctorat autour du “stress et son impact sur l’organisme”, est épuisant.

“Ma relation avec le stress est très ancrée !!. (…) Avec toute modestie, je peux dire que je suis une spécialiste du Stress ! MAIS, par moment, je n’arrive pas à le gérer !”, avoue-t-elle, révélant qu’elle cherche refuge dans les tisanes qu’elle prend régulièrement.

“Je peux vous conseiller un mélange de marjolaine, de camomille et de tilleul. C’est parfait après une longue journée”, lance cette coordinatrice d’un MOOC (Massive open online course) sur la phytothérapie.

A l’image du noir, du bleu et du vert qu’elle préfère, Mme Bousta incarne l’intégrité, la rigueur, le rêve et la sagesse, des qualités requises pour un chercheur, et fait de la nature un remède au service de l’humanité.

La recherche peut ressembler à une rose qui nous enivre avec son odeur et nous éblouit avec sa douceur, mais qui peut nous piquer avec ses épines si on ne sait pas s’en servir.

Certes, la recherche est “chronophage, mais être chercheur, c’est plus qu’un métier, c’est une passion !”, conclut la pharmacologue avec une voix déterminée.