Paris- “La poule et son cumin”, premier roman de Zineb Mekouar, sorti mercredi en France en versions papier et numérique, est une véritable fresque sur les contrastes de la société marocaine.
Parus aux éditions JC Lattès, collection La Grenade, qui révèlent des voix nouvelles de France et d’ailleurs, le roman relate le destin de deux jeunes marocaines radicalement opposées : Kenza et Fatiha. La première issue d’une riche famille poursuit des études à sciences Po-Paris. Elle décide de rentrer à Casablanca et reprend contact avec Fatiha, la fille de sa nourrice et son amie d’enfance. Célibataire, cette dernière se retrouve enceinte dans une société conservatrice qui interdit l’avortement.
Par les récits croisés de Kenza et Fatiha, Zineb Mekouar entremêle les destinées de deux héroïnes entre soumission et transgression. Dans cette grande fresque, leurs blessures et leurs drames épousent les clivages politiques et sociaux du Maroc contemporain.
“C’est un livre sur les femmes qui donne la voix aux femmes. Et cela est rare. Car, malheureusement, trop souvent ce sont les hommes qui parlent pour les femmes, avec un prisme idéaliste ou stéréotypé. Or, il n’y a pas “la femme”, il y a “les femmes” et chacune avec ses constructions, ses reconstructions et ses déconstructions, ses espoirs, ses peines”, confie Zineb Mekouar à la MAP, en marge de la présentation/signature de son roman à la librairie L’Arbre à Lettres au cœur de Paris.
“Et c’est ce que j’ai voulu démontrer à travers les personnes de Kenza et Fatiha qui représentent deux Maroc opposés, puisque Kenza est une fille issue de la noblesse marocaine, qui fait partie d’une certaine élite. A côté d’elle, il y a Fatiha qui est son amie et en même temps la fille de sa nourrice. Le roman raconte comment les deux protagonistes vont faire pour que leur amitié grandisse”.
Le roman traite de l’amitié, mais “c’est beaucoup plus profond”. Il permet de voir des femmes de classes opposées, comment elles grandissent et comment elles évoluent quelque soit le milieu et malgré des lois qui peuvent parfois être rétrogrades. Bref, un roman sur l’émancipation des femmes, tel que le revendique haut et fort Zineb Mekouar, qui a tenu à ce que sa sortie coïncide avec la Journée internationale des droits des femmes.
L’auteure admet bien volontiers qu’elle n’est pas la première à jeter la lumière sur la situation des femmes marocaines et sur “le caractère rétrograde de certaines lois”. D’autres, bien avant elle, l’ont fait comme Leila Slimani et Sonia Terrabe ou encore le collectif Moroccan Outlaws. “Même le Conseil national des droits de l’Homme pointe cela”, affirme Zineb Mekouar qui plaide pour “une nouvelle Moudouwana 2.0”.
Selon, elle, “il y a une envie dans la société civile que tout simplement la loi soit en adéquation avec les mœurs et surtout lorsqu’on parle du fléau de l’avortement clandestin au Maroc, qui est vraiment une violence faite aux femmes”. “Face à cette hypocrisie sociale, soit on continue à faire l’autruche, soit on se dit il faut à la fois changer la loi et changer les mentalités par l’éducation”, plaide Zineb Mekouar. Et, “c’est cela que j’ai voulu montrer et c’est pour cela aussi que j’ai voulu que mon roman soit sur le Maroc contemporain”.
L’intrigue se déroule en 2011, un moment charnière de l’histoire du Maroc contemporain, mais aussi un moment où fut publiée la fameuse circulaire Guéant en France, celle qui obligeât plusieurs étudiants étrangers à quitter la France du jour au lendemain. Les premiers touchés furent les Marocains parce que c’est la première communauté estudiantine en France.
D’ailleurs, dans une partie du roman, il est question des relations entre le Maroc et la France. “C’est un peu une fresque historico-politique du Maroc depuis l’indépendance”. “J’interroge donc à la fois la relation France-Maroc, le regard qu’a aussi, parfois, la France sur la femme arabe, sur la femme musulmane ou sur la femme maghrébine. Un regard, malheureusement, souvent négatif ou avec beaucoup de préjugés, parfois teinté d’ignorance”. “Souvent, en France, on parle de “la femme arabe”, de “la femme musulmane”, alors qu’en fait il y a “des femmes arabes”, des “femmes musulmanes”, affirme Zineb Mekouar.
Sur le choix du titre de son roman “La Poule et son cumin”, Zineb Mekouar revendique un titre “authentiquement marocain”. “Il suffit de le traduire en darija pour reconnaître l’expression ‘djaja b’kamounha'”, nous dit-elle.
Concernant ses projets futurs, Zineb Mekouar rêve de continuer à écrire. Elle a déjà des idées de romans en tête avec des sujets qui lui tiennent à cœur et toujours sur le Maroc. “L’idée c’est de continuer et je suis déjà en train d’écrire mon deuxième roman”, confie-t-elle.
Zineb Mekouar est née à Casablanca en 1991. Elle vit à Paris depuis 2009. Après des études à Science Po et HEC Paris, elle a exercé dans le conseil en stratégie puis a été responsable des Affaires publiques dans un incubateur de start-up.
“La poule et son cumin” est son premier roman. Il sortira au Maroc à la mi-mars.