.-Propos recueillis par Fadwa EL GHAZI-.
Rabat – Le Maroc célèbre, ce dimanche, la journée nationale de la femme, l’occasion de faire le point en trois questions avec Mme Ouafa Hajji, coordinatrice du Collectif “Parité maintenant”, sur le bilan des avancées réalisées par la gent féminine ces dernières années.
1- Le Maroc a connu récemment des élections législatives, régionales et communales marquées par le renforcement de la représentativité des femmes au sein des conseils élus. Que pensez-vous de ces derniers développements ?
Mme Ouafa Hajji: Le Maroc a en effet connu des élections au cours des derniers mois pour le renouvellement de ses institutions élues et le Collectif “Parité maintenant” a suivi avec beaucoup d’intérêt et d’attention les élections des chambres professionnelles et législatives.
Concernant la présence des femmes dans ces institutions, nous pouvons constater une avancée quelque peu timide sur le plan quantitatif, due essentiellement aux mesures de discriminations positives qui ont été introduites par la réforme des textes en avril dernier. Il n’y pas eu réellement d’efforts supplémentaires et nous le regrettons.
Quand on prend par exemple les chiffres relatifs à la Chambre des représentants, 90 femmes ont été élues par les listes régionales dans le mécanisme de discrimination positive prévu par la loi et six seulement au niveau des circonscriptions locales. Cela veut dire que les partis politiques ont été assez timides dans l’encouragement des femmes, bien qu’il y ait eu une grande avancée au niveau des candidatures féminines. Les femmes ont, en effet, candidaté à hauteur de 30% aux niveaux régional et local et de 34% au niveau du Parlement. Autant dire que le prétexte de manque de candidatures féminines, généralement avancé, n’a pas lieu d’être. Les femmes ont au contraire confirmé leur volonté de participer à la gestion des affaires publiques.
Malgré cela, les femmes se retrouvent dans des positions secondes, plutôt que têtes de listes ou dans des positions leur permettant d’être élues.
2- Les résultats de ces élections se sont traduits par un renforcement de la présence des femmes dans les conseils élus, notamment l’élection de trois d’entre elles à la tête des conseils communaux des grandes villes (Rabat, Marrakech et Casablanca). A votre avis, quelles sont les retombées de ces résultats ?
Mme Ouafa Hajji: Il y a effectivement une avancée à saluer, même si la représentativité féminine n’atteint pas le seuil des 30% que nous pensions pouvoir atteindre avec le soutien des partis politiques.
Nous avons demandé qu’il y ait un rattrapage au niveau de l’accès des femmes aux postes de prise de décision, au sein des bureaux et instances exécutifs, aussi bien au niveau local que régional, que dans l’enceinte du Parlement. Les résultats du scrutin ont été intéressants dans la mesure où il y a trois femmes élues maires de grandes villes, en l’occurrence Rabat, Casablanca et Marrakech.
Cet effet d’annonce est à la fois souhaité et souhaitable, car il peut avoir un impact sur les mentalités. Toutefois, nous considérons que ces résultats ne peuvent se substituer à une présence effective des femmes dans tous les bureaux, notamment en tant que présidentes de communes dans les petites villes.
Seule une femme a été élu présidente d’une région. Nous attendions mieux de la part des partis politiques.
3-Quel bilan faites-vous des avancées réalisées par les femmes marocaines ces dernières années ?
Mme Ouafa Hajji: Le bilan que l’on peut faire des 20 dernières années concernant la condition féminine est que nous avons connu une période faste, d’avancées importantes, jusqu’en 2010 où nous avons bien avancé avec le code de la famille et des réformes du code pénal, entre autres, qui ont favorisé une meilleure présence des femmes dans les institutions et au niveau du gouvernement.
Avec le gouvernement d’alternance et l’avènement du règne de SM le Roi Mohammed VI, nous avons connu une avancée importante et intéressante dans beaucoup de domaines. La Constitution de 2011 a couronné un peu tous les efforts réalisés avec cette progression positive, avec une série d’articles et de dispositions favorables à l’égalité et aux mécanismes de la parité, qui condamnent la violence et la discrimination à l’égard des femmes.
Cependant, la loi de lutte contre la violence faite aux femmes a été réellement en-deçà de nos attentes en tant que mouvement des droits des femmes. Elle nécessite aujourd’hui une révision, car elle ne prend pas en charge beaucoup d’aspects.
Nous attendons du nouveau gouvernement plus de dynamisme pour ce qui est des droits des femmes, une volonté affirmée et la révision de plusieurs articles du code pénal. Il est aussi nécessaire aujourd’hui d’amorcer un débat serein sur la question des libertés individuelles.