Propos recueillis par Bouchra NAJI
Casablanca- Dans le cadre des actions de sensibilisation et de prévention du cancer du col de l’utérus, le professeur Abdellatif Benider, cancérologue et ex-directeur du Centre Mohammed VI pour le traitement des cancers, revient, dans un entretien à la MAP, sur la situation au Maroc par rapport à cette maladie, l’importance du dépistage contre le cancer du col, l’introduction de la vaccination contre le HPV dans le plan national d’immunisation depuis octobre 2022.
1- Dans le cadre du mois de la sensibilisation et de la prévention contre le cancer du col de l’utérus, quelle est la situation au Maroc par rapport à cette maladie ?
Le mois de janvier est une date importante pour parler du cancer du col de l’utérus qui est l’un des défis majeurs de santé publique dans le Royaume. Le Maroc compte près de 13,8 millions de femmes âgées de 15 ans et plus, qui sont à risque de développer un cancer du col de l’utérus.
La situation épidémiologique du cancer chez la femme marocaine a connu de nouvelles évolutions, notamment la classification du cancer du col de l’utérus, passée du rang de 2ème cancer féminin au 3ème cancer féminin.
Durant ces dernières années le Maroc a réalisé des efforts importants en matière de prévention et de diagnostic précoce du cancer, à travers notamment les deux plans nationaux de prévention et de contrôle du cancer et la prise de conscience d’un diagnostic précoce du cancer du col utérin grâce au test papillomavirus humain (HPV), virus responsable du cancer du col de l’utérus.
Malgré la baisse du classement du cancer du col de l’utérus chez la femme, cette maladie pose toujours un problème de santé public. En effet, elle représente 8,1% des cancers féminins, et 2200 femmes ont été touchées en 2020. Malheureusement, le nombre de décès liés à cette maladie reste élevé, avec environ 1 200 femmes qui perdent la vie chaque année en raison d’un cancer du col de l’utérus.
2- Pourquoi le dépistage contre le cancer du col de l’utérus est-il important ?
Le dépistage contre le cancer du col de l’utérus est important car il permet de détecter les lésions précancéreuses, ou les cancers du col de l’utérus dans les stades précoces, lorsqu’ils sont le plus facilement traitables.
Il existe plusieurs méthodes de dépistage disponibles, notamment le frottis cervical qui est l’une des méthodes les plus courantes et les plus efficaces de dépistage du cancer du col de l’utérus. Il consiste à prélever des cellules de la surface du col de l’utérus, qui sont ensuite examinées au microscope pour détecter des anomalies. Le dépistage contre le cancer du col de l’utérus est essentiel pour détecter les lésions précancéreuses et les cancers du col de l’utérus dans les stades précoces, ce qui augmente les chances de guérison.
3- Le Maroc a introduit la vaccination contre le HPV dans le plan national d’immunisation depuis octobre 2022, que pouvez-vous nous dire sur la vaccination anti HPV?
L’introduction de la vaccination anti-HPV est une très bonne nouvelle et on s’en félicite. Il faut noter que le cancer du col de l’utérus est le seul cancer qui peut être prévenu grâce à la vaccination. Au Maroc, la vaccination est gratuite et volontaire dans tous les centres de santé au niveau national pour les fillettes de 11 ans. Ces fillettes reçoivent 2 doses à 6 mois d’intervalle .
La vaccination contre le HPV est un moyen efficace de prévenir les lésions précancéreuses et les cancers du col de l’utérus chez les femmes, et permet de protéger les jeunes filles contre l’infection par le HPV et de réduire leur risque de développer un cancer du col de l’utérus à l’âge adulte.
La vaccination ne remplace pas le dépistage régulier, qui est toujours nécessaire pour détecter les lésions précancéreuses et les cancers du col de l’utérus chez les femmes qui ont déjà été exposées au virus HPV.
4- Peut-on guérir d’un cancer du col de l’utérus?
Le cancer du col de l’utérus est généralement plus facile à traiter lorsqu’il est détecté à un stade précoce. Les options de traitement courantes pour les cancers du col de l’utérus précoces comprennent la chirurgie et la radiothérapie.
Il est important de noter que les taux de survie varient selon le stade auquel le cancer est diagnostiqué. Les taux de survie à cinq ans pour les stades précoces de cancer du col de l’utérus sont généralement supérieurs à 90%. Cependant, les taux de survie diminuent considérablement lorsque le cancer est diagnostiqué à un stade avancé.
5- Qu’en est-il de la stratégie nationale en la matière?
Le Maroc adopte actuellement la stratégie de lutte contre le cancer du col de l’utérus proposée par l’OMS.
Cette stratégie appelée 90-70-90 a pour objectif d’éliminer le cancer du col de l’utérus en tant que problème de la santé publique.
La stratégie recommande la couverture par la vaccination de 90% de jeunes filles. Soixante-dix pour cent des femmes en activité sexuelle doivent être couvertes par le dépistage et 90% de femmes ayant un cancer du col de l’utérus, prises en charge avec efficience sur le plan thérapeutique.