Par Zin El Abidine TAIMOURI
Casablanca – Le Maroc a réalisé, ces vingt dernières années, des avancées significatives dans sa lutte en faveur de l’autonomisation de la femme et dans la conception que celle-ci implique en tant que marqueur important du développement socio-économique des pays émergents.
Pourtant, la condition de la femme continue d’être confrontée à des obstacles structurels qui empêchent sa pleine émancipation, comme en témoignent les récentes statistiques du Haut Commissariat au Plan qui déclarent que 73,1% des personnes en dehors du marché du travail sont des femmes.
Après avoir consacré la femme marocaine comme l’égale de l’homme sur le plan juridique, le Maroc fait désormais face à un enjeu d’une nouvelle dimension. L’égalité des genres n’est plus tant mesurée par l’accès au droits fondamentaux que par des considérations économiques.
Conscient que l’autonomisation des femmes est une condition sine qua non à l’édification d’une société viable, le Maroc s’est engagé, doucement mais sûrement, dans une série de réformes structurelles visant à garantir substantiellement leur participation dans les sphères économique, politique et sociale du pays.
Le statut de la femme s’impose de fait comme une composante prioritaire dans tous les objectifs de développement du Maroc, à l’instar du Nouveau Modèle de Développement (NMD) qui place le renforcement de l’inclusion économique de la femme au cœur de ses choix stratégiques.
En 2035, l’activité des femmes devrait atteindre, selon le NMD, un taux de 45% contre 22% actuellement. Une cible qui devrait avoir un impact relativement majeur sur la croissance, puisque certaines études démontrent que la résorption des inégalités hommes-femmes générerait pour le Maroc un accroissement du PIB de l’ordre de 0,2 à 1,95%.
Ces perspectives nécessitent toutefois un engagement fort des politiques publiques, soutenu par la mobilisation du secteur privé, pour l’adoption d’une approche holistique en faveur de la consolidation des dispositifs d’éducation, de formation, d’insertion, d’accompagnement et de financement dédiés.
Pour son mandat, le gouvernement se fixe l’objectif d’un taux d’activité économique des femmes à plus de 30% à l’horizon 2026, à travers, notamment, l’opérationnalisation des mesures du Programme National intégré d’autonomisation économique des femmes et des filles “Maroc-Attamkine”.
Ce programme a pour but de promouvoir le cadre institutionnel régissant l’émancipation économique des femmes en s’appuyant sur une réforme législative et institutionnelle, des incitations sensibles au genre, la lutte contre la discrimination au travail, ainsi que la mise en place d’un quota pour l’accès des filles aux établissements de formation professionnelle.
Par ailleurs, le programme national “Awrach” destiné aux personnes qui présentent des difficultés à trouver un emploi, principalement suite à la pandémie, a été marqué par un taux de participation des femmes à hauteur de 30% sur les 103.599 bénéficiaires de la première édition 2022.
En matière d’entrepreneuriat, le programme “Forsa” d’accompagnement et de financement de projets, dont les candidatures sont actuellement ouvertes, devrait introduire en 2023 une batterie d’améliorations, avec notamment un focus plus important sur les femmes afin d’augmenter leur taux de participation de 20% en 2022 à au moins 30% des 10.000 projets.
C’est dans cette même vision qu’a vu le jour le programme Women Entrepreneurs Finance Initiative (We-Fi) lancé récemment par le ministère de l’Industrie et du Commerce en partenariat avec la Banque Mondiale, l’Agence Maroc PME et la Fédération des Chambres Marocaines de Commerce, d’Industrie et de Services.
Destiné aux entreprises dirigées par des femmes, We-Fi propose des formations sur les différents métiers du digital au profit de 1.500 petites et moyennes entreprises (PME) pour un appui au développement de leurs activités de e-commerce, l’intégration de nouveaux marchés et l’accroissement de leur activité commerciale.
Et il faut dire qu’en matière de Tech, les femmes marocaines montrent un engouement particulier, puisqu’elles ont classé le Royaume à la deuxième position du continent africain en termes de création de startups dans le domaine de la technologie en 2022, d’après le dernier rapport “African Tech Startups Funding Report”.
Pourtant, ces initiatives d’autonomisation et d’empowerment de la femme présentent un impact limité sur le terrain, sans compter les conséquence de la pandémie et le ralentissement économique mondial qui fragilisent les acquis et aggravent certaines inégalités.
La conjoncture actuelle nécessite dès lors de renouveler l’engagement à travers de nouveaux mécanismes répondant aux exigences modernes en matière de droits de la femme.