Rabat – Le Prix de l’Agence de Presse décerné, mardi soir à Rabat, dans le cadre de la 19ème édition du Grand Prix national de la presse, a été remporté ex-aequo par les journalistes Karima Hajji et Younes Bouzrida, de l’Agence Marocaine de Presse (MAP).

Karima Hajji a reçu le prix pour son article “Latifa Ibn Ziaten, un rempart inébranlable contre les partisans de l’extrémisme et de la radicalisation des jeunes” tandis que Younes Bouzrida a été distingué pour son papier “Amal Majdoub, une infirmière éprise d’affection pour ses patients”.

Ci-après les deux articles primés :

Latifa Ibn Ziaten, un rempart inébranlable contre les partisans de l’extrémisme et de la radicalisation des jeunes

Rabat, 07/03/2021 -(MAP)- Entre mars 2012 et mars 2021, beaucoup de choses ont changé dans la vie de Latifa Ibn Ziaten, mais pas son profond chagrin suite à la perte de son fils Imad. Cette douleur est toujours la même malgré l’écoulement de neuf ans depuis qu’il a été tué dans une attaque terroriste à Toulouse, en France.

Les souvenirs cruels liés à cet attentat sont restés ancrés dans la mémoire de Latifa Ibn Ziaten avec leurs détails les plus subtils : le moment où elle a appris la nouvelle de la mort de son fils, puis sa visite à l’endroit où il a été tué et au quartier où le meurtrier “Mohamed Merah” a vécu, ou encore son dialogue avec les jeunes de ce quartier qui ont décrit le meurtrier comme un “martyr de l’Islam”, qui lui a fait sentir que son fils avait été tué deux fois. Ces événements et bien d’autres, elle ne peut s’en souvenir sans que son cœur ne se brise de chagrin et les larmes ne coulent sur ses joues.

Derrière la “success story” de cette militante dans le domaine du travail social et humanitaire, devenue un symbole mondial du dialogue interconfessionnel et du rejet de l’extrémisme, se cache ainsi une histoire triste qui a commencé le 11 mars 2012 quand elle a été informée du meurtre de son fils Imad, qui travaillait comme parachutiste dans les forces armées françaises.

Un jeune Français d’origine algérienne a assassiné Imad d’une balle dans la tête, ainsi que six autres personnes, avant qu’il ne soit éliminé par la police.

Cette native de la ville de Tanger, qui a immigré en France il y a plus de quarante ans, a confié dans un entretien à la MAP : “La mort de mon fils m’a fait perdre le goût de la vie. Imad était un jeune homme ambitieux avec beaucoup de rêves qu’il cherchait à réaliser. Il était plus qu’un fils, notre relation était très forte et notre communication excellente”.

Par conséquent, la mère endeuillée a décidé, après quarante jours, que les funérailles de son fils se rendent à l’endroit où il avait été tué.

Elle se souvient ce jour-là : “Malgré le refus de ma famille, j’étais déterminée à y aller. J’avais un sentiment fort que mon fils m’avait laissé un message avant sa mort. Je me suis dirigée vers les lieux et j’ai été surprise par ses taches de sang qui étaient toujours là. C’était un moment difficile et indescriptible.”

A ce moment précis, précise Mme Ibn Ziaten “j’ai décidé de chercher la maison dans laquelle vivait le tueur, afin de connaître la raison qui l’a amené à me priver de mon fils. Mais j’ai été choquée par les propos véhiculés par les jeunes de ce quartier populaire. Ils considéraient que Mohamed Merah était un martyr et ce qu’il a fait une victoire pour l’Islam.

“À l’époque, j’ai senti que mon fils avait été tué pour la deuxième fois”, a-t-elle regretté.

Mme Ibn Ziaten se souvient comment elle a rassemblé ses forces et a crié au visage de ces jeunes hommes avec force: “Je suis la mère d’Imad, qui a été tué par Merah, celui que vous considérez comme un martyr. Est-ce à cela que l’Islam nous appelle?”. Pris de court, l’expression de leur visage a immédiatement changé.

Ils se sont alors excusés pour leurs paroles blessantes et ont commencé à blâmer leur réalité difficile dans les quartiers populaires, leur isolement au sein de la société française et même leurs problèmes avec leurs parents qui ne supportent plus leur présence.

“Ces jeunes hommes étaient dans un état de désespoir extrême”, poursuit Mme Ibn Ziaten. “Cependant, malgré ma situation difficile, j’ai tenu à discuter avec eux pour corriger les nombreuses idées fausses qui étaient courantes parmi eux et les appeler à se débarrasser des sentiments de haine envers l’autre quelle que soit sa religion. En revanche, j’ai insisté à ce qu’ils déploient leurs efforts à la recherche d’opportunités de mener une vie décente.”

Elle a ajouté qu’à ce moment, elle a dit à ces jeunes qu’elle avait décidé de créer une association à la mémoire de son fils baptisée + l’Association Imad pour la Jeunesse et la Paix+. “Je n’avais pas encore déterminé la nature exacte de son activité, mais après mon dialogue avec ces jeunes, j’ai réalisé qu’ils avaient besoin de moi”.

“Ils étaient la cause de ma blessure, mais j’ai décidé de leur tendre la main pour les aider. Je suis allée dans le terrain pour travailler et sacrifier ma vie et ma maison pour être à leurs côtés et pour éviter que ces quartiers défavorisés n’engendrent un autre Mohamed Merah.

Depuis lors, Mme Ibn Ziaten a entamé ses visites dans les établissements scolaires et pénitentiaires, les quartiers défavorisés et même au sein des familles dans toute la France, et dans plusieurs pays à travers le monde, en vue de promouvoir les valeurs de paix et de coexistence et de protéger les jeunes des partisans de l’extrémisme

Elle a ainsi organisé des séminaires et des rencontres avec des jeunes de différentes religions pour corriger un ensemble d’idées fausses sur l’autre, simplement parce qu’il est diffèrent dans sa religion, sa culture ou même la couleur de sa peau.

Son but ultime était de “convaincre ces jeunes, qu’ils soient musulmans, chrétiens, juifs ou même laïcs, de la nécessité de trouver une base commune de compréhension pour vivre ensemble”.

Le dialogue est une arme pour Latifa Ibn Ziaten, qui a affirmé recevoir entre 3 à 4 demandes par semaine de diverses institutions pour coopérer avec l’association “Imad pour la jeunesse et la paix” dans le cadre de réunions ouvertes qui connaissent la participation de centaines de jeunes.

“Le message que je transmet est simple. Il sort du cœur pour atteindre leur âme et leur esprit de manière fluide, car ils ont désespérément besoin de quelqu’un pour leur parler et leur redonner espoir pour l’avenir”, a-t-elle dit.

Cet engagement ferme a forgé la réputation de Mme Ibn Ziaten au niveau international, lui permettant de remporter de nombreux prix internationaux, dont le dernier était le Prix Zayed pour la fraternité humaine 2021, ex aequo avec le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres.

Cette reconnaissance s’ajoute à de nombreux autres hommages et prix qui ont été attribués à Mme Ibn Ziaten, dont notamment le prix Chirac 2015 et le prix Femme de courage 2016 du Département d’État américain.

Pour Mme Ibn Ziaten chaque prix qu’elle remporte est dédié d’abord à l’âme de son fils et elle l’utilise au profit des jeunes. Il s’agit également d’une source de motivation pour faire tout ce qui est en son pouvoir pour le bien des jeunes “parce qu’ils représentent l’avenir et parce qu’on ne peut pas ignorer ce qui se passe dans le monde. Nous avons besoin de vivre dans la paix, la sécurité et la fraternité humaine.”

Tout ce succès qu’elle a connu, grâce à ses efforts qui ont mis en échec des plans de nombreuses organisations terroristes cherchant à embrigader les jeunes, lui a attiré des ennuis et avait reçu de nombreuses menaces.

À la faveur de sa forte détermination pour protéger la jeunesse, elle se dresse en rempart inébranlable devant les plans et les idées ténébreuses qui continuent, malheureusement, de trouver leur chemin vers l’esprit de nombreux jeunes.

Concernant les intimidations qu’elle a reçues et dont certaines sont des menaces de mort, Latifa Ibn Ziaten affirme avoir suffisamment de courage et de détermination pour avancer dans son parcours avec le même enthousiasme.

“Il est vrai que j’avais peur pour les membres de ma famille. Mais quant à moi, je n’ai pas du tout ressenti de peur. J’ai choisi de promouvoir la paix et il est de mon devoir de continuer.”, a-t-elle martelé.

Quelques jours après le neuvième anniversaire de la mort de son fils Imad, Mme Ibn Ziaten se prépare à organiser une série d’activités et à lancer plusieurs projets, comme elle le fait chaque année, pour tenter de faire de cette journée douloureuse pour elle, un moment de joie pour d’autres jeunes.

Pour elle, il n’y a aucun moyen de combler le vide laissé par Imad si ce n’est d’aider un jeune homme ou une jeune femme à réaliser ses rêves et de les protéger de tomber dans le piège des organisations terroristes.

“Je vis pour le souvenir de mon fils et pour tous les jeunes hommes qui me considèrent comme leur seconde mère. Par conséquent, rien ne me découragera de remplir mon devoir envers eux, peu importe combien cela me coûte”, a-t-elle soutenu.

 

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Amal Majdoub, une infirmière éprise d’affection pour ses patients

 

Rabat, 05/03/2021 (MAP) – Au sourire habituel et au corps flétri par les rudes et longues nuits de permanences, Amal Majdoub a enfin regagné son lieu de travail ordinaire au sein du Centre hospitalier universitaire (CHU) Hassan II de Fès, après s’être mobilisée durant plusieurs mois, telle une soldate, pour remporter la farouche bataille contre la pandémie de Covid-19.

Amal est revenue, après avoir gagné sa bataille et après s’être affirmée tout au long de cette expérience qui ne se répétera peut-être pas dans un proche avenir et s’en est sortie la tête haute avec une immense fierté et une lueur d’espoir pour un lendemain meilleur.

Cette infirmière polyvalente et mère de quatre filles dont l’aînée ne dépasse pas les onze ans n’avait jamais pensé un jour qu’elle allait s’éloigner pendant des semaines voire des mois même de son mari et de ses mômes mais, malheureusement, la pandémie en a voulu autrement.

Cette femme courageuse qui, en dépit du fait qu’elle a été dispensée de travailler avec les malades atteints de Covid-19 puisqu’elle allaite son nourrisson, avait décidé avec bravoure de rejoindre, de plein gré, le personnel médical soignant les patients touchés par le virus tout en sachant qu’elle allait être séparée de sa famille pendant une durée indéterminée par peur de les contaminer.

“Être séparée de ma famille a été l’un des moments les plus difficiles de ma vie”, a indiqué Amal dans une déclaration à la MAP, ajoutant que son époux l’a constamment encouragée et soutenue dans son noble engagement malgré la charge des enfants qui incombe à lui seul.

Cette battante évoque ses premiers pas au sein des services d’isolement des patients atteints de Covid-19 au CHU, où elle avait vécu des moments de frayeur et d’anxiété par peur de contracter le Coronavirus, et du fait qu’elle était en contact direct avec les personnes affectées par ce virus mortel, mais ce sentiment s’est rapidement dissipé quand ses efforts ont commencé à porter leurs fruits en faveur des malades.

Forte d’une expérience de 13 ans en tant qu’infirmière polyvalente, Amal a réussi à semer l’espoir dans le cœur de patients désespérés et a ravivé la lumière dans leur vie.

Faisant également preuve d’un sens du devoir, Amal n’a pas hésité à venir au secours des malades affectés à Benslimane suite à la décision en juin dernier des autorités de regrouper tous les malades contaminés par la pandémie de Covid-19 dans des structures médicales situées à Benslimane et Benguérir.

Elle a affirmé, dans ce sens, n’avoir aucun regret ou recul envers cette décision, tout en insistant à accomplir sa mission jusqu’au bout et jusqu’à la disparition du virus.

“J’ai passé plus de sept mois dans l’hôpital de campagne à Beslimane, un hôpital où de grands sacrifices et d’énormes efforts ont été déployés, ce qui a fait de moi une forte femme capable de vaincre sa peur et surmonter ses obstacles”, a-t-elle fait savoir.

Amal, lauréate de l’Institut de formation des cadres de santé, a contracté la Covid-19 en décembre dernier et a été maintenue en quarantaine tout en suivant le protocole médical mis en place par le ministère de la Santé, l’obligeant ainsi à arrêter sa noble mission d’infirmière jusqu’à sa guérison.

“Même si j’ai eu des complications au niveau du cœur et des articulations, j’ai pu grâce à Dieu me remettre de cette maladie”, a-t-elle poursuivi.

Après s’être rétablie, Amal a regagné son domicile familial auprès de ses enfants et de son mari pour retrouver l’amour et la chaleur familiale qu’elle avait perdu pendant quelques mois, avant de reprendre son travail au même lazaret et boucler en janvier les derniers jours de sa bataille contre la pandémie suite à l’amélioration de la situation épidémiologique au Maroc et au lancement de la campagne nationale de vaccination dans le Royaume.

Cette crise a permis de braquer les projecteurs sur les sacrifices des femmes et hommes du corps médical qui ont affronté avec courage et ferveur le virus meurtrier de Covid-19, devenant ainsi de véritables héros dans ce long combat, s’est-elle félicitée.

L’histoire de Amal est semblable à celle de l’ensemble des infirmiers et infirmières qui ont mis du leur pour combattre cette pandémie qui a touché de plein fouet l’humanité. Un dévouement que le commun des mortels se doit plus que jamais d’apprécier à sa juste valeur.