Paris – Depuis lundi dernier (6 novembre) à 11h25 et 19 secondes précisément, les femmes en France ont commencé à travailler “gratuitement”, et ce, jusqu’à la fin de l’année. C’est la date et heure symboliques calculées à partir de statistiques européennes sur l’écart de salaire entre les femmes et les hommes dans l’hexagone.
En moyenne cette année, les femmes perçoivent un salaire inférieur de 15,4% par rapport aux hommes en France, selon Eurostat. Converti en jours ouvrés, cela représenterait un peu moins de 39 jours, soit près de deux mois de travail non rémunéré, d’après le média “Les Glorieuses”, qui lutte contre les inégalités des genres.
À poste équivalent, c’est-à-dire la même profession chez le même employeur, l’écart de salaire se réduit à 4%. Ces disparités salariales s’expliquent, en partie, par la différence des professions occupées par les deux sexes, et de la position dans la hiérarchie.
De plus, l’accès des femmes aux postes les mieux rémunérés est difficile: 40% des entreprises de plus de 1.000 salariés comptent moins de deux femmes parmi les dix plus hautes rémunérations, selon l’index 2021 de l’égalité professionnelle entre les deux sexes.
Par ailleurs, d’après une étude récente menée par le centre ADP Research Institute, de nombreuses employées se déclarent “prêtes à démissionner” en présence d’écarts de salaire au sein de leur entreprise.
L’année dernière, les salariées en France ont bénéficié d’une augmentation de 4,15%, tandis que les salaires de leurs collègues masculins ont été augmentés de 5,52%. De plus, elles sont aussi moins nombreuses à avoir bénéficié de ces augmentations, avec seulement 59% des femmes déclarant en avoir profité, comparé à trois quarts des hommes interrogés en 2022.
Par conséquent, ce sont 74% des employées qui envisagent de quitter leur emploi si ces inégalités existent, contre 71% de leurs homologues masculins. Un taux qui augmente même à 84% chez les jeunes actifs de 18 à 24 ans.
Pour lutter contre l’écart salarial entre hommes et femmes, le ministère français du Travail a instauré en 2019 un Index de l’égalité professionnelle. “Chaque année au plus tard le 1er mars, les entreprises d’au moins 50 salariés doivent calculer et publier sur leur site internet, de manière visible et lisible, la note globale de l’Index de l’égalité femmes-hommes, ainsi que la note obtenue à chacun des indicateurs le composant”, souligne le ministère sur son site.
Cependant, bien que représentant “une avancée”, cet index “n’est pas tout à fait représentatif des entreprises françaises” et n’est donc pas entièrement efficace, d’après les spécialistes.
La persistance de ces disparités en France, bien que le pays soit engagé contre les inégalités salariales entre les sexes, s’explique aussi, selon les observateurs, par les codes de l’entreprise, qui favorisent un rythme de vie et des codes inculqués aux garçons dès leur jeune âge.
La configuration actuelle de l’entreprise, d’après les experts, valorise des qualités inculquées dans le processus de socialisation des garçons. Elle requiert aussi “une disponibilité” qui ne prend pas en compte le travail domestique et parental, majoritairement assuré par les femmes.
Pourtant, payer correctement les femmes pourrait les préserver des violences économiques conjugales, d’après une étude réalisée par “Les Glorieuses” en collaboration avec l’institut de sondage “Ifop”. Contrôle des ressources, invisibilité de la gestion financière, refus de partage à la séparation… plus de quatre femmes sur dix en seront victimes au cours de leur vie.
Selon cette même enquête, “les femmes ont deux fois plus de risques de subir ces violences si leur rémunération est significativement inférieure à celle de leur conjoint”.