Par Hajar ERRAJI
Rome- Depuis quelques semaines, tous les projecteurs sont braqués sur elle. La jeune juriste italo-marocaine Hajar Boudraa est en passe de devenir la première magistrate voilée en Italie. A un pas de son rêve, elle suscite déjà l’intérêt de la presse locale.
Les portraits et les interviews s’attardent, de toute part, sur le parcours de cette battante, érigée en modèle de persévérance des femmes immigrées. Fille d’une famille modeste, sa success story confirme l’émergence d’une nouvelle génération instruite, cultivée et brillante, qui remet largement les clichés en question.
Hajar en a même fait une cause. Bannir les préjugés à travers la justice est son mot d’ordre. Elle n’a d’ailleurs jamais douté de son choix de filière d’étude.
“Je viens d’une famille modeste, je suis une femme et je suis aussi voilée…J’ai toujours été sujette à des préjugés”, confie à la MAP la diplômée en droit à Trento, installée avec sa famille en Italie depuis l’âge de cinq ans. “J’ai développé une attitude de ne pas juger avant d’avoir tous les éléments à disposition, d’où mon amour pour la magistrature”, poursuit cette native de Kenitra.
Avec sa toge, elle se présente chaque mercredi à l’audience, officiant devant le juge de paix, en tant que procureure adjointe honoraire à Vérone. Elle étudie les dossiers individuels de chaque affaire et représente la justice en ‘’toute impartialité’’ dans le respect des règles de la procédure pénale. Dans quelques mois, elle deviendra magistrate. Avant d’en arriver là, tout n’a pas été un long fleuve tranquille.
Les années universitaires ont été “belles et dures à la fois”, affirme-t-elle avec le même sourire qui embellit toutes ses photos relayées par la presse italienne. Et pourtant, il cache un long combat.
Selon cette jeune femme aux grandes ambitions, la voie de la magistrature est “très chère et élitiste”. D’une famille nombreuse, Hajar devait chercher, très tôt, une issue pour réaliser son rêve. “Moi à Trente pour étudier le droit, ma sœur à Padoue pour se spécialiser en ingénierie biomédicale…Le salaire de mon père, qui était ouvrier agricole, ne pouvait pas tout couvrir”, fait savoir cette trentenaire, que rien ne semble la décourager. Elle travaille comme médiatrice dans un tribunal pour mineurs, pour payer ses études, aider sa famille mais aussi se rapprocher du monde de la justice.
Engagée, déterminée, résiliente, la jeune juriste ne nie, tout de même, pas des moments, ou face à plusieurs obstacles, elle remettait en cause sa capacité à supporter son “long et tortueux” parcours. “La réalité secouait parfois brutalement mes rêves”, avoue cette guerrière qui n’a cependant pas reculé. La volonté de “prendre la revanche de ses parents sur la vie” la boostait continuellement.
Malgré toutes les difficultés, elle ne cesse de retrousser ses manches. “Les images des sacrifices et du dévouement de mon père et ma mère m’ont permis d’aller de l’avant et de ne pas lâcher”, assure cette jeune marocaine, au porte du pouvoir judiciaire italien. Son attachement aux sources représente, selon elle, “le gage de son succès et de sa force”. Chez cette amatrice de poésie, cette liaison prend ses dimensions les plus profondes. Outre sa famille et sa patrie, elle n’hésite pas, d’ailleurs, à écrire et à partager récemment sur les réseaux sociaux un poème émouvant sur “Mama Africa”, qui devient aussitôt viral sur la toile.
Le récit de cette jeune prouesse rappelle l’histoire de plusieurs jeunes marocains, nés ou ayant grandi en Italie, ou leurs parents se sont installés en quête d’une vie meilleure. La majorité de ces migrants, étaient principalement, des agriculteurs ou des ouvriers. Leur progéniture, quant à elle, cible, aujourd’hui, des métiers d’élite. De quoi récompenser les efforts de leurs familles et de faire rayonner l’image de leur patrie. Les consécrations de Marocains dans la péninsule ne s’arrêtent pas.
Quelques mois après la réception de Khalid Gouiza, le meilleur bachelier scientifique en Italie en 2022, le président italien Sergio Mattarella a promu Fatima Zahra El-Maliani, une volontaire marocaine au grade de Chevalier de l’ordre du Mérite de la République italienne pour son engagement au service des enfants et pour son aide aux femmes sans abri.