Par Khalid ATTOUBATA.
Brasilia – De l’art culinaire marocain elle a d’abord fait un passe-temps, puis une passion et plus tard un moyen d’intégration dans la société brésilienne. Zineb Naainiaa, une casablancaise de 37 ans, commence à se faire un nom dans la capitale du pays le plus étendu et le plus peuplé d’Amérique latine, à des milliers de kilomètres de son pays d’origine.
Son rêve à elle : “contribuer à grignoter une part de marché pour la cuisine marocaine” dans un pays où les traditions culinaires internationales se bousculent pour gagner leurs lettres de noblesse dans un secteur de restauration très lucratif.
L’histoire de Zineb avec la cuisine remonte à bien longtemps. Âgée de seulement 7 ans, sa curiosité pour la cuisine était déjà connue de tous les membres de sa famille, raconte-t-elle à la MAP.
A 37 ans, elle compte tirer le meilleur du boom de la delivery pour répandre la magie de la cuisine marocaine et monter le premier restaurant 100% marocain à Brasilia. Le défi est de taille dans un marché où italiens, mexicains, libanais et syriens ont l’avantage de l’aînesse. Or, il faudra bien plus que de la concurrence pour décourager la Marocaine qui semble à la fois ambitieuse et réaliste, déterminée mais avisée.
Mais entre son enfance à Casablanca et sa vie à Brasilia, Zineb a une longue histoire à raconter. Les péripéties de la sienne montrent à quel point la vie peut réserver des surprises, des défis et des rencontres qui changent parfois le court d’une vie.
Zineb est native de Casablanca, une ville dont le rythme de vie, selon ses dires, lui a appris le sens de la persévérance et la manière de faire de la diversité une richesse personnelle et sociétale. Le Brésil pour elle est une immense Casablanca, un pays aux affluents innombrables fort d’une ouverture singulière sur le monde.
Les 18 ans passés au Brésil n’ont rien effacé de la mémoire de Zineb, encore moins de ses habitudes marocaines et de son attachement aux composantes les plus subtiles de la culture marocaine, plus particulièrement la gastronomie.
Fille d’une mère originaire d’Ouled Haddou et d’un père et d’Azemmour venu tout jeune en quête des opportunités dans la capitale économique du Royaume, Zineb Naainiaa a vécu entre l’ancienne médina et Belvédère. Sa maman, “cuisinière de la famille” lors des mariages, fiançailles, baptêmes et autres, hésitait à laisser sa fille s’aventurer dans les méandres de la cuisine, mais elle a fini par céder devant l’insistance de Zineb.
“J’ai compris à ce moment que la cuisine n’était pas uniquement le fait de manger. C’est un rassemblement familial, un renouvellement des liens, un art à savourer. Quand ma mère n’était pas disponible ou ne pouvait terminer ce qu’elle a commencé, je me chargeais de réaliser la tâche en s’appuyant sur quelques conseils d’une maman soucieuse de la perfection”, confie-t-elle. “Mais elle était à chaque fois agréablement surprise par le résultat”, nuance Zineb, aujourd’hui mère de deux enfants.
C’est à ce moment que la cuisine s’est mue en une passion pour Zineb. “Pour les gens la cuisine était une corvée, pour moi au contraire c’était un régal”, dit-elle.
Après le baccalauréat, Zineb étudiait l’économie à l’université Hassan II lorsqu’elle commença à faire de sa passion une profession. Elle rencontra à l’âge de 20 ans un brésilien qui deviendra plus tard son époux. Ce mariage mixte va déboucher sur une expatriation dont l’idée ne lui avait jamais traversé son esprit.
Son installation au Brésil n’était pas un fleuve tranquille, “puisque j’ai dû reporter mes projets pour me consacrer à des tâches prioritaires (intégration, apprentissage de la langue portugaise,…), d’autant plus que j’ai eu dans la foulée deux enfants”, dira cette casablancaise, visiblement émue par ce dilemme qu’elle a dû juguler : se consacrer à sa petite famille, en assumant sa nouvelle vie loin de sa patrie et les gens parmi lesquels elle a grandi.
Et d’affirmer, après un profond soupir, : “Ce n’est pas évident. Il y a si peu de Marocains au Brésil, encore moins à Brasilia. Ici, il n’y a pas moyen de sentir l’odeur de notre chère patrie, si ce n’est l’amour dans nos cœurs et l’héritage que nous continuons de porter”.
“J’ai commencé ensuite à remarquer que le marché de larestauration au Brésil est ouvert sur le monde (…) certaines tentatives timides d’ouvrir un restaurant marocain ont malheureusement échoué à cause de la rareté des ingrédients. Si les cuisines orientales ont pignon sur rue au Brésil, grâce à la migration massive de libanais, syriens et palestiniens, la cuisine marocaine au Brésil se fraye un chemin lentement”, analyse-t-elle.
En parvenant à créer un large réseau de clients à Brasilia, pour la plupart des brésiliens, Zineb propose un service de livraison à domicile assez original dans ce pays. Avec un menu qui sent les épices marocaines : couscous, Pastilla, tajine, Rfissa…etc, elle a pu mesurer à quel point le Maroc est apprécié dans ce pays. “le Royaume est perçu notamment grâce à son soft power, sa culture, ses atouts touristiques ou encore le cinéma”.
Zineb ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Elle caresse désormais le rêve de faire franchir à sa start-up un nouveau palier, étendre son réseau de livraison et ouvrir son premier restaurant qu’elle veut marocain à 100%.
Ses premiers atouts sont des partenariats tissés avec des fournisseurs marocains de produits agroalimentaires et d’artisanat qui soulève “la curiosité des Brésiliens et contribue au rayonnement du Maroc, de sa culture et de son héritage civilisationnel”.