Propos recueillis par Fadwa EL GHAZI
Rabat Les changements climatiques des différentes saisons affectent le corps humain puisqu’il vit immergé en relation avec la nature qui l’environne.
Marianne Grasselli Meier, écothérapeute, musicothérapeute et auteur de l’ouvrage “La nature guérisseuse, pratiques inspirantes d’écothérapie” (Éditions Le Courrier du Livre (2021), explique à la MAP l’effet des saisons sur les être humains.
1- Quel est l’impact des saisons sur le corps humain ?
Un impact très inconscient, fait de hauts et de bas, d’hypersensibilité non reconnue. Le corps reçoit les énergies solaires, profite d’une météo favorable pour aller en nature se ressourcer. Le corps vit immergé dans les forces de la nature qui l’environne, il ne peut pas s’y abstraire. Son impact est d’autant plus puissant qu’il n’est pas reconnu. Au moment où l’on prend conscience de notre interrelation au vivant et au vivant pluriel, changeant, alors s’ensuit une acceptation de nos fluctuations d’humeur et de nos besoins de repos: fait que la société nous refuse.
2- Pourquoi sommes-nous “heureux” en été et “déprimés” en hiver ? Est-ce le manque de rayons soleil ?
Oui, bien sûr, luminosité et chaleur : Si nous nous questionnons sur nos représentations de ces deux saisons, nous remarquons que nous osons tout faire, tout vivre en période estivale et qu’il nous semble perdre de notre autonomie, “perdre vie” quand vient la saison froide. Or, c’est une représentation hors sol de notre lien à la nature: nous ne perdons rien, nous avons à vivre autrement, contacter à nouveau les qualités de cette saison froide et ce qu’elle nous apporte comme vécus différents.
Nous sommes monomaniaque, si je puis dire, nous avons perdu la notion de diversité et de diversités intérieures. Pourquoi ne pas profiter de façon différenciée de ce que la nature nous propose? Elle fait ce qu’il y a à faire, à chaque instant.
3- Quel est l’impact de l’écothérapie sur la santé physique et mentale ?
L’écothérapie a plusieurs portes d’accès; les promenades en nature, en pleine conscience, les bains de forêt et les écorituels. C’est une remise en lien avec l’environnement; ne pas chercher à se changer, mais accepter et vivre pleinement chaque moment du cycle du vivant. Le vivant a ses cycles de croissance, d’épanouissement, de retrait, de décroissance et de mort apparente, donnant vie en secret aux nouvelles forces à venir. Or, nous ne ressentons généralement tous ces passages que comme des séparations, des pertes et des deuils. Observer le vivant et s’y intégrer à nouveau permet de vivre avec attention, tel un passage non comme une perte, mais comme le signe profond d’être vivant.
4- Est-ce que les femmes sont plus vulnérables que les hommes aux changements des saisons ?
Les femmes sont plus conscientes de la cyclicité, car elles vivent ces fluctuations chaque mois, par le cycle menstruel, liées à la lune. Elles ne peuvent pas “faire autrement” que de suivre la nature en elles. Elles sont donc les premières à pouvoir montrer la voie de cette connaissance du corps en lien avec le corps de la terre.
Les hommes sont éduqués à suivre un chemin tracé et linéaire; ils ont plus de peine à s’écarter de ce qui leur est imposé pour redevenir réceptifs à leurs propres besoins. Les hommes vivent comme les femmes le cycle annuel, mais semblent moins y porter attention. D’autres priorités sociales, économiques, les préoccupent. Mais le burn out, la dépression les rattrape, faute de vivre dans le rythme du vivant.
5- En quoi consistent les écorituels ?
Les écorituels accompagnent les personnes en demande de célébration, de passages dans leurs vies. Le besoin se fait sentir soit d’acter une situation, soit d’être soutenu dans un temps de transition. Si les religions reconnues ont toujours marqué les grands passages de la vie, l’accélération actuelle fait que de multiples passages et deuils ont lieu, que nous ne pouvons pas acter: c’est-à-dire y donner sens, ressentir ce qui vit en soi et s’ouvrir à des ressources personnelles.
Comme exemples, les multiples séparations de couple, les reconversions sociales et professionnelles, les déménagements dans d’autres pays, l’intégration dans d’autres cultures. Il nous faut retrouver la nécessité de ritualiser nos vies, pour rester actifs intérieurement. Les écorituels vont être créés avec les personnes concernées, individualisés. Ils ont pour but de permettre ces célébrations tout en observant comment la nature va y répondre. La nature, impliquée par des propositions d’observations et une attitude réceptive, va faire écho à la demande de la personne. Elle va offrir des pistes, des ressources que le praticien va savoir décoder dans l’accompagnement. La personne vivant un écorituel se relie à son être profond, dénudée de tout modèle, pour se retrouver, aimée, respectée, reconnue par l’Universel. Dans cette quête d’appartenance universelle, la personne – au cours de l’écorituel – se sent à nouveau unifiée.