Propos recueillis par Ghita AZZOUZI

Le psychologue clinicien et psychothérapeute Reda Mhasni répond aux questions de la MAP au sujet des violences faites aux femmes.

– Quels sont les déterminants sociaux et psychologiques participant à la montée des différentes formes de violence faites aux femmes ?

Ce sont des inégalités historiques qui ont donné lieu à une certaine domination masculine sur la femme. Nous sommes une société éminemment traditionaliste, patriarcale et pour autant ces inégalités prennent plus de formes.

Il y a également un substrat historique au système de valeurs régi par la tradition et qui légitimisme le sexisme et donne des fois la légitimité à la violence physique, verbale et psychologique à l’égard des femmes.

Au niveau de l’éducation de la société, une éducation au genre et au respect de l’autre n’a pas encore été installée. Il y a donc une certaine éducation qui prône une supériorité de l’individu masculin par rapport à l’individu féminin et qui discrimine la fille par rapport au garçon et plus tard la femme par rapport à l’homme.

– Quel a été l’impact du confinement et de la pandémie sur la cadence des violences faites aux femmes ?

La pandémie a favorisé la violence à l’égard des femmes de par le confinement pendant des mois et de par la restriction de la mobilité des citoyens qui a mis les femmes face à leur bourreau avec l’impossibilité de pouvoir en parler ou d’aller vers des associations comme elles auraient pu faire en temps ordinaire.

Les contacts avec la famille et l’environnement étaient très réduits, ce qui a favorisé la pression et la tension ressenties par toute la famille et fait en sorte que ceux qui étaient violents avant la pandémie le deviennent encore plus et les victimes n’ont eu d’autre choix que d’encaisser.

Nous avons observé plusieurs tentatives de suicide, plusieurs plaintes liées à la violence domestique et notamment une hausse notable du taux de demande de divorce dans les tribunaux casablancais.

– Quelles sont les répercussions psychologiques et sur la société de la violence à l’égard des femmes ?

Les répercussions psychologiques se traduisent par des maladies somatiques, des passages à l’acte suicidaire, une autodestruction, des automutilations, des addictions, une perte d’estime de soi, de l’image positive de soi et des troubles mentaux relatifs au stress post traumatique et à l’anxiété dus à ces traumatismes perpétuels et continus. C’est en effet une violence qui ne s’arrête pas, qui s’inscrit dans le temps et qui inscrit la victime dans un stress post-traumatique.

Au niveau social, les filles et les femmes sont privées de leur droit à l’enseignement, à la formation, à l’accès au monde du travail, à l’autonomisation, ce qui a un impact négatif sur toute la société.

– Quelles sont les solutions pour éradiquer les violences faites aux femmes ?

Il est important qu’il y ait une adhésion de tous les acteurs de la société présents sur le terrain, notamment le personnel de la santé qui reçoit fréquemment les victimes de la violence physique et psychologique.

Il faut travailler sur la formation des agents de santé, travailler avec les assistantes sociales, avec les éducateurs, avec le réseau associatif qui lutte contre la violence faite aux femmes, avec les sécuritaires, notamment la police et la Gendarmerie Royale pour assurer un meilleur accueil et pour faciliter la procédure de l’alerte et de la déclaration de l’abus.

Il est important que toute déclaration de violence ait une réponse dans l’immédiat, une prise en charge et un suivi, en plus du renforcement de la procédure de la prise en charge médicale, psychologique et socioprofessionnelles des victimes de la violence.

Il faut une implication de la société toute entière et des législateurs pour renforcer l’arsenal juridique de la violence à l’égard des femmes, reconnaître des campagnes de sensibilisation par les médias qui doivent prendre part à une politique nationale pour protéger les femmes, les filles et la société.

Il est nécessaire qu’il ait une convergence de toutes les forces du terrain politique, médical, social, sécuritaire, des sciences humaines et sociales, et médiatiques pour mener à bien cette réforme qui vise à éradiquer cette inégalité entre les hommes et les femmes.