Par: Taoufik El Bouchtaoui-

Genève – Du Liban à Genève en passant par le Caire et des postes de responsabilité qui l’ont menée jusqu’aux lignes de conflits en république centrafricaine, au Cameroun et actuellement en Syrie, Mme Najat Rochdi fait partie de cette élite internationale qui brille par son engagement et par son action auprès de l’ONU au service du développement, de la paix et du règlement des crises humanitaires.

Empathique, militante de la justice sociale, femme de principes et de cœur, fine négociatrice humanitaire, mais aussi “une idéaliste qui croit en un monde meilleur”, cette fille de l’Oriental a un cheminement de vie qui semble l’avoir prédestinée à cette longue carrière de vingt ans qui l’a conduite en Europe, dans le monde arabe et en Afrique subsaharienne, avec des postes de responsabilité différents les uns des autres. Un parcours riche au cours duquel elle n’a jamais hésité à aller sur le terrain, à se jeter dans le feu de l’action et à agir lors des crises malgré les obstacles immenses au travail humanitaire.

“Le syndrome” de l’humanitaire, Mme Rochdi l’a contracté depuis son enfance, elle qui a grandi dans une famille cultivant un grand esprit d’entraide et de solidarité, son défunt père ayant été le président du Croissant Rouge à Oujda.

“L’humanitaire, j’ai grandi avec. C’est un peu dans mon ADN, dans mes gènes”, affirme l’actuelle Conseillère humanitaire principale auprès de l’Envoyé spécial des Nations unies pour la Syrie (basée à Genève), dans un entretien à la MAP.

Le fait d’accompagner son père dans certaines actions qu’il menait dans des hôpitaux, des orphelinats ou auprès de personnes dans le besoin, l’a marquée et certainement aidée à “grandir avec cette volonté d’appuyer et de contribuer aux causes humanitaires”.

L’ex-Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général de l’ONU et coordonnatrice humanitaire en République centrafricaine (RCA), a commencé d’abord en tant que professeur à l’université, “mais petit à petit cet engagement pour l’humanitaire a grandi au fil des ans (…) avant qu’elle ne soit rattrapée par sa véritable passion”.

“Nos vrais causes finissent par remonter”, fait-elle remarquer. Aussi, décida-t-elle d’opérer un retour “aux origines”, à cette ambiance familiale baignée par la solidarité et l’engagement humain.

C’est ainsi qu’elle a entamé en 2001 son premier poste au Liban en tant que conseillère des politiques de développement pour les gouvernements arabes auprès du PNUD, avant de regagner le Caire en tant que directrice régionale pour le programme de la société de l’information auprès du PNUD à une époque où “l’on se posait encore des questions sur l’apport des technologies de l’information et de la communication à l’essor économique et social des pays”.

A Genève, elle officie par la suite en tant directrice adjointe en charge des opérations des partenariats et de la communication au siège central du PNUD. Avec son nouveau statut de numéro 2 du Programme onusien, son travail était global avec comme commission de monter des partenariats et de mobiliser des ressources pour un certain nombre de projets très importants.

Elle sera, ensuite, affectée au poste de coordinateur résident humanitaire au Cameroun où elle a servi pendant quatre ans et a eu à gérer toute la crise des réfugiés du Nigeria, suite aux actes du groupe terroriste Boko Haram mais aussi la crise centrafricaine consécutive aux incidents de 2013.

Puis, le grand saut dans les missions de paix. Elle sera alors engagée dans la mission de maintien de paix à Bnagui en Centrafrique où elle a assumé le rôle de Représentant spécial adjoint du Secrétaire général de l’ONU. Son travail consistait a établir des questions sur l’impunité et à mettre en place une cour pénale spéciale, en plus des questions de développement et humanitaires.

Dans le cadre de son travail, elle a eu à négocier avec les groupes armés en Centrafrique, avec le gouvernement et avec d’autres Etats pour assurer la protection des réfugiés et des populations contre les exactions perpétrées à l’époque.

Actuellement, depuis un an, elle assume un double rôle à Genève: d’abord conseillère humanitaire de Haut niveau pour l’envoyée spécial pour la Syrie et président de la Task force (groupe international d’appui à la Syrie) qui est composée de plusieurs Etats et présidée par la Russie et les Etats Unis.

Elle mène, dans ce sens, la négociation avec les principaux acteurs autour des questions liées au cessez-le-feu, à la pause humanitaire, à la protection civile, à l’assistance humanitaire…

S’agissant de son deuxième rôle, elle est teamleader d’un programme global pour améliorer l’assistance humanitaire dans le monde.

Du haut de ces 20 ans d’engagement pour la paix et la cause humanitaire, Mme Rochdi relève que l’action dans ce domaine requiert un ensemble de qualités et de principes tels que la justice sociale et l’intégrité. “Oeuvrer dans le domaine humanitaire et du maintien de la paix ne se fait pas de manière mécanique ou juste en se basant sur des techniques”, explique-t-elle.

“Il faut un engagement réel, authentique, mais aussi des principes claires”, a-t-elle soutenu, notant que la Charte des Nations Unies “ne doit pas être considérée comme un document à conserver dans les tiroirs, mais quelques choses qui doit guider nos pas et nos négociations”.

Selon elle, “tous les accords de paix qui ont été faits en faisant fi de la justice, de la réconciliation, d’une réelle équité et d’un réel développement ont fini par être violés immédiatement et ces mêmes pays sont retombés dans les violences”.

Ce domaine demande aussi de l’intégrité. “On ne vas pas à la table des négociateurs pour trouver la solution la plus rapide, mais pour trouver des solutions pour la population et par la population”.

Le travail en équipe est également déterminant dans ce domaine, relève-t-elle: “étant donné la complexité des conflits et des crises humanitaires, aucune organisation, aucun pays et aucune région ne peut aujourd’hui faire cavalier seul pour relever les défis complexes qui se posent.

“Il est primordial de s’inscrire dans un partenariat gagnant-gagnant, dans le respect des uns et des autres, et de la reconnaissance de la valeur ajoutée des autres”, a-t-elle préconisé.

Dans ce milieu “très masculin” de l’humanitaire et de maintien de la paix, au regard des conditions de travail très difficiles et de l’insécurité dans des pays qui sont confrontés à beaucoup de défis, Mme Rochdi a dû travailler dur, en tant que femme, pour s’imposer et pour que son travail soit reconnu et apprécié.

“On a tendance à réduire la capacité des femmes à trouver des solutions alors que dans ce domaine, précisément, il est demandé beaucoup d’empathie au regard des souffrances des populations, des horreurs et des atrocités commises”.

Le fait d’avoir cette empathie et d’être élevée dans un esprit de solidarité l’a beaucoup aidée à tisser des liens de confiance avec les populations et les communautés pour mieux les assister et mieux les accompagner.

Pour Mme Rochid, l’action humanitaire est une responsabilité collective qui incombe à chacun et à tous.