Propos recueillis par Nadia El Hachimi
Rabat – Avec cinq romans à son actif et un sixième à venir, l’écrivaine maroco-américaine Laila Lalami a su se faire un nom dans le paysage littéraire des États-Unis, où elle est installée depuis près d’une trentaine d’années. Approchée par la MAP à l’occasion d’une rencontre littéraire à Rabat, la romancière a donné un aperçu sur son avant-dernier roman “Les autres Américains”, une œuvre de fiction qui fait une radioscopie des différentes strates de la société américaine avec “la communauté immigrée” pour fil conducteur.
Largement acclamé par la critique comme l’un des “livres les plus attendus de 2019”, “Les autres Américains” est un thriller à suspense qui raconte l’histoire de Driss, un immigré marocain résidant en Californie, tué par une voiture roulant à vive allure avec délit de fuite alors qu’il traversait une intersection mal-éclairée.
Cette native de Rabat, qui manie brillamment la langue de Shakespeare, a produit des best-sellers, presque entièrement consacrés aux thématiques de l’exil et de la migration où le personnage marginal occupe une place centrale.
1-Aujourd’hui vous présentez “Les autres Américains” à vos lecteurs marocains, un roman traduit en français aux éditions Bourgois puis réédité et publié aux éditions Le Fennec en 2020, des détails ?
En plus de l’anglais, “Les autres Américains” a été publié en français et en langue arabe. Le livre est sorti aux Etats-Unis en mars 2019 et a été finaliste du “National Book Awards” (Prix national du livre). C’est un roman qui commence avec la mort accidentelle d’un Marocain immigré aux États-Unis. La question se pose si c’est un accident prémédité, un meurtre ou tout simplement un accident de la route. L’histoire est racontée à travers neuf différents personnages. Il s’agit d’un roman choral dans lequel l’on entend la voix de l’immigré lui même, de sa femme, de ses filles, d’un voisin… C’est une manière de raconter l’histoire mais aussi l’histoire d’une communauté. Il s’agit d’un roman qui interpelle l’identité qu’elle soit nationale, communautaire, religieuse ou de classe.
2-Comment vous identifiez-vous en tant qu’écrivaine ?
Je trouve que c’est plutôt une question à poser aux critiques. Je me définis en tant qu’écrivaine. Je suis quelqu’un qui se pose des questions et qui pose des questions. Les questions m’intéressent un peu plus que les réponses. Je trouve qu’elles nous offrent la possibilité d’explorer les idées. J’écris de la fiction et de la non-fiction.
3-De “De l’espoir et autres quêtes dangereuses” à “Conditional Citizens”, votre dernier opus, quel est le point commun ?
J’estime que toutes mes œuvres mettent le Marocain et la Marocaine au centre de l’histoire, qu’il s’agisse d’une histoire de fiction ou de non fiction. Dans mon premier roman “De l’espoir et autres quêtes dangereuses”, j’ai abordé la thématique de l’immigration vers l’Europe alors que mon troisième roman “The Moor’s Account” a suivi le parcours fictif de Mustafa Zemmouri ou Estebanico, le premier esclave noir à devenir explorateur des Amériques. “Les Autres américains” suit, quant à lui, l’histoire d’un immigré marocain qui meurt aux Etats-Unis. Dans tous mes livres, il y a cet intérêt pour le Marocain et la Marocaine, particulièrement les immigrés.
4-Avez vous des projets de livre en cours?
Oui, je prépare un roman de non fiction. Tout ce que je peux vous dire c’est qu’il s’agit d’une dystopie qui s’intéresse un peu au futur, à ce qui va se passer dans les prochaines années…
5-Quelles sont vos sources d’inspiration littéraire?
J’en ai beaucoup. Au cours de mon parcours j’ai été inspirée par des auteurs aussi bien marocains, européens qu’américains. Parmi les Marocains, je cite le grand Mohamed Choukri, Driss Chraibi et bien évidemment Fatima Mernissi. Pour les écrivains internationaux, je citerai l’auteur sud-africain J. M. Coetzee, les Américains Toni Morrison et William Faulkner.