.- Par Hamid AQERROUT -.

Johannesburg- Horrifiés par la recrudescence de la violence fondée sur le genre et des féminicides, les Sud-Africains se sont réveillés ces dernières années pour interpeller le gouvernement sur ce fléau devenu une véritable urgence dans le pays. Un phénomène que le gouvernement ne parvient toujours pas à enrayer.

Les chiffres sont effarants : Le taux des féminicides en Afrique du Sud est près de cinq fois plus élevé que dans le reste du monde et les crimes y ont même augmenté de plus de 50 pour cent en début d’année 2022 et cela ne semble pas près de s’arrêter.

Et pour cause, des politiques gouvernementales trop lentes pour répondre à l’urgence de la crise : les affaires judiciaires prennent encore trop de temps avant d’être traitées et les victimes peinent toujours à obtenir une protection.

En effet, de l’avis de plusieurs associations, beaucoup de femmes et d’enfants, qui sont victimes de crimes odieux commis contre eux précisément en raison de leur sexe ou de leur âge, finissent par abandonner leur quête de justice, parce qu’ils ne croient pas que les autorités s’en soucient suffisamment ou ne sont pas capables de rendre une telle justice.

C’est là une réalité qui donne à réfléchir et qui exige que les Sud-africains, en tant que nation, fassent bien plus que de faire semblant de parler de la crise à laquelle ils sont confrontés.

L’activiste Steve Letsike saisit, à ce propos, avec justesse les attitudes de nombreux Sud-africains envers le système de justice pénale et sa prétendue lutte contre la violence sexiste. “Les gens se retirent à cause de la méfiance à l’égard d’un système qui n’est pas fiable”, a-t-il regretté.

Letsike s’exprimait en marge du Sommet présidentiel sur la violence sexiste et le féminicide, tenu deux jours durant la semaine dernière à Johannesburg.

Naturellement, durant ce sommet, les militants ont exigé que le Président Cyril Ramaphosa et son gouvernement rendent compte de ce qu’ils ont fait, de manière systémique depuis le premier sommet, soit pour protéger les femmes et les enfants de cette violence meurtrière, soit pour s’assurer que les auteurs rendent des comptes.

Lorsqu’en août 2018, des milliers de personnes étaient descendues dans la rue pour réclamer une réaction face aux violences sexistes, un premier sommet présidentiel avait été organisé pour déterminer la marche à suivre.

Mais la réalité est que beaucoup pensent que l’aiguille n’a pas bougé et là où elle l’a fait, il n’y a pas eu de résultats tangibles qu’ils puissent signaler comme conséquence directe des interventions du gouvernement. Là où il y a eu quelques interventions, l’ampleur a été si minime qu’elle ne change pas les sentiments de désespoir du grand public et n’inspire pas confiance dans le système de justice pénale du pays.

Il est ainsi devenu évident, à titre d’exemple, que la structure et les dépenses des fonds alloués à la lutte contre la violence basée sur le genre (VBG) sont disproportionnées par rapport aux besoins les plus élémentaires des organisations d’aide aux victimes au niveau communautaire. Cela signifie que même si les décideurs au sommet voudraient faire croire que le gouvernement prend au sérieux sa responsabilité d’intervenir, la réalité est que de telles interventions ne se traduisent pas par un changement significatif dans la vie des survivants.

Et c’est précisément là le problème : La déconnexion entre les aspirations du gouvernement et les expériences vécues des gens ordinaires qui confirment qu’en fin de compte, ils sont livrés à eux-mêmes.

Reconnaissant cette dure réalité, le Président Ramaphosa a concédé lors du même sommet sur les violences basées sur le genre que le gouvernement n’a pas fait assez pour lutter contre ces violences. “Vous avez raison dans votre colère et votre frustration exprimées ici et selon lesquelles le gouvernement ne faisait pas de la violence sexiste la priorité qu’elle devrait être”, a-t-il lancé à l’adresse des militants ainsi que des survivants, qui ont remis en question ce que l’exécutif avait fait depuis le sommet inaugural qui a eu lieu en 2018.

Les activistes, quant à eux, estiment que le gouvernement se doit de considérer le fémicide et les violences basées sur le genre comme la première pandémie, car ils continuent de détruire la vie des femmes et des enfants du pays.

Malgré des efforts, ce fléau se poursuit sans relâche. Les données montrent que les viols ont augmenté de 37 % en 2022. Au cours du premier trimestre de l’exercice 2021 et du premier trimestre 2022, il y a eu une augmentation de 52 % des meurtres de femmes et de 46 % du nombre d’enfants assassinés.

Ces statistiques reflètent le symptôme d’un système défaillant et d’une société brisée que les tenants du pouvoir n’ont jamais correctement guérie, parce que les Sud-africains des communautés les plus pauvres, vivent toujours dans la pauvreté et la peur.

C’est ainsi que dans le pays arc-en-ciel, les femmes et les enfants sont livrés à eux-mêmes. Ils ne peuvent donc avoir qu’un destin tragique dans un pays toujours hanté par les atrocités du régime ségrégationniste d’apartheid.