Par Morad Khanchouli.

Bruxelles- Au sein du microcosme associatif bruxellois, elle est plus qu’une voix audible. Rassurante et prévenante, Fatima Zohra Khayar incarne une bienveillance sincère, un humanisme certain. Sa disposition à aider son prochain et son énergie à briser les carcans du communautarisme, du rejet et de l’exclusion lui ont façonné une image de femme de cœur et de conviction.

Dame libre et engagée, elle prend à bras le corps la défense de la scolarité des jeunes filles. Derrière son sourire protecteur, bourdonne une force tranquille, une citoyenne du monde au service de ses sœurs et frères de l’humanité. Sa sensibilité aux expressions de fragilité, aux battements de la société, semble guider son quotidien.

A longueur que ses journées s’étirent sur les instants furtifs de la vie, la belgo-marocaine les savoure avec l’espoir d’un rescapé. La vie, elle la conçoit telle une chance qui se doit d’être saisie, investie, humée à pleines bronches.

Dans son destin à elle, douceur et affection s’y sont invitées dès ses premiers pas. ‘’J’ai eu une enfance agréable et tranquille entourée de l’amour de mes parents’’, raconte à la MAP la native de Bruxelles, un jour de décembre 1972.

Après des études de pharmacie à l’UC Louvain-en-Woluwe, elle est embauchée par l’entreprise américaine de biotechnologie et chimie Monsanto. Deux ans plus tard, elle se retrouve en compagnie de son mari aux Etats-Unis, où elle y travaille dans les essais cliniques au St Jude Children’s hospital, avant de rentrer en Belgique et reprendre en 2004 une officine de pharmacie.

Son engagement dans l’associatif aussi bien en Belgique qu’au Maroc a réellement commencé après son mariage. ‘’Dans la région du Moyen-Atlas d’où est originaire mon époux, j’ai pu constater qu’il y avait beaucoup de travail à faire dans l’éducation et la santé des petits enfants. Avant de rencontrer mon mari, j’avais l’habitude d’accompagner mes parents en vacances à Tanger, mais les conditions de vie dans les milieux urbain et rural ne sont naturellement pas les mêmes’’, confie-t-elle.

Il faut imaginer que de moments de joie pure et innocente passés avec des enfants dans l’arrière-pays naquit cette ferme volonté de tendre la main, cette passion qui l’anime aujourd’hui, cet attachement à l’éducation des enfants, des filles en particulier. ‘’Les petites filles sont l’avenir de l’humanité’’, soutient-elle.

Marocaine d’origine et belge de naissance, la pharmacienne, spécialiste de santé et militante associative s’investit dans son pays d’accueil à aider les jeunes filles d’origine étrangère qui aspirent à une place sous le soleil européen. ‘’Je souhaite leur adresser un message : Accrocher-vous, croyez en vos rêves, ayez de l’ambition, ne jamais désespérer. Si moi j’y suis arrivée, tout le monde le pourrait. Surtout nous, les femmes, qui avons une volonté d’acier’’.

Sa casquette de responsable d’association la pousse à se dépasser pour aider ces filles à ‘’réaliser leurs rêves sans perdre une seule seconde, car la vie est précieuse’’.

Consciente, dit-elle, que sa double culture est une chance inouïe, elle a décidé d’en faire un leitmotiv quotidien. ‘’J’ai un profond respect pour mon pays d’origine et je me rends compte de la chance que l’immigration de mes grands-parents m’a apportée, en faisant des études, en m’épanouissant’’.

Alors que le monde peine à sortir d’une pandémie qui a tout bouleversé, Fatima Zohra Khayar porte un regard lucide sur cette crise multiforme.

‘’La pandémie a mis beaucoup d’aspects de la vie en perspective. Les liens humains qui nous ont tellement manqués commencent à être présents maintenant. Il faut mordre la vie à pleine dents et s’aider mutuellement’’, souligne-t-elle.

En tant que professionnelle de santé et responsable d’un centre de vaccination, elle a vu la détresse des gens, leur souffrance, leur solitude, leur questionnement, leurs doutes et leurs peurs. Elle dit avoir essayé du mieux qu’elle pouvait de leur expliquer, de les soutenir, de les consoler parfois après la perte d’un être cher.

Le regard tourné vers l’avenir, la belgo-marocaine rêve de pouvoir un jour construire un pensionnat pour jeunes filles (12-18 ans) dans le monde rural au Moyen Atlas, où ‘’tout leur sera pris en charge et qu’elles ne puissent se soucier que de leurs études’’.

En attendant, son association “Actions village – Actions pour l’avenir” organisera, fin mai, une caravane médicale dans la même région, pour apporter soins et médication aux petits écoliers et leurs parents. ‘’C’est du pur bonheur pour moi!’’, dit-elle.