Par Karima El Otmani
Casablanca – L’autonomisation économique des femmes est la condition sine qua non pour alléger les disparités sociales, éradiquer la pauvreté et assurer une croissance économique inclusive. Elle s’avère donc un jalon incontournable pour un développement économique intégré et durable.
Selon l’ONU Femmes, les femmes occupent majoritairement des postes précaires et faiblement rémunérés. En revanche, seule une minorité d’entre elles occupent des postes de responsabilité. Plus encore, la discrimination entrave l’accès aux actifs économiques et limite la participation des femmes à l’élaboration des politiques économiques et sociales.
Le dernier rapport publié récemment par la Direction des études et des prévisions financières (DEPF) et ONU Femmes, sur les coûts économiques des inégalités de genre dans le marché du travail au Maroc, a révélé, en effet, qu’une réduction de seulement un quart de l’écart des niveaux d’activité entre les hommes et les femmes conduirait à une hausse du PIB par tête variant entre 5,7% et 9,9%. Un taux qui demeure énorme !
“L’autonomisation des femmes est non seulement une priorité pour l’émergence économique de notre pays mais un levier important pour développer son capital humain”, a souligné dans un entretien accordé à la MAP, la présidente de l’Association Women’s Tribune, Fathia Bennis.
Pour faire en sorte que des millions de Marocaines puissent participer activement au développement de leur pays, a-t-elle dit, “nous devons mettre fin aux tabous sociaux et culturels qui continuent à attribuer aux deux sexes des rôles distincts de production et de reproduction qui peuvent limiter l’accès des femmes au marché et restreindre leur carrière professionnelle.”
Aujourd’hui, les femmes marocaines ne veulent plus de cette segmentation qui les confine dans les emplois à faible productivité et à bas salaire. Elles aspirent à une répartition plus égalitaire des droits et devoirs que ce soit à la maison ou en entreprise.
L’éducation à l’esprit d’entreprise au niveau des cursus de formation sera le facteur clé de l’autonomisation des femmes, a insisté Mme Bennis, qui est aussi Co-présidente de la Fédération Resofem pour la promotion du statut économique des femmes au Maroc. “Nous devons envisager de familiariser les étudiants avec le concept de la culture des start-ups, de l’introduction des finances pour les PME, au moins au niveau des formations de base”.
Selon elle, ce qui manque essentiellement à l’entreprenariat féminin ce sont des financements adaptés à chaque phase du processus de création d’entreprise, au travers notamment d’un accompagnement en termes d’idéation, de gestion de projet et d’une dotation de 3 à 4 mois de salaires pour permettre à la femme entrepreneur de finaliser son projet.
Les dernières années ont connu un développement soutenu des dispositifs de la finance entrepreneuriale qui restent néanmoins méconnus du grand public, à savoir notamment le financement participatif ou le Crowdfunding qui peut être particulièrement adapté pour l’entrepreneuriat féminin, et les mécanismes de garanties de crédits créés exclusivement pour les femmes comme celui proposé par la Caisse centrale de garantie (CCG) au travers de la garantie «Ilayki », ou encore le programme « intilaka » composé d’un produit de garantie et d’un autre de co-financement dont bénéficient plusieurs femmes entrepreneurs.
Pour celles qui décident de sortir des stéréotypes, le chemin n’est pas non plus facile. Malheureusement, la conception et la distribution des services bancaires pèsent beaucoup sur leur accessibilité, en particulier pour les femmes, a-t-elle déploré, faisant observer que les bailleurs de fonds exigent le plus souvent des formes traditionnelles de garantie notamment le nantissement de bien immobilier (terrain, logement…), que les femmes ne possèdent pas en général compte tenu des raisons précitées.
D’autre part, le niveau de complexité des formalités de demande de crédits et des dossiers et justificatifs à fournir ont pour effet d’exclure les femmes avec des niveaux d’instruction faible particulièrement en milieu rural. Ainsi, les femmes souhaitent des mesures incitatives notamment fiscales pour encourager l’investissement au féminin notamment en termes d’abattement pour encourager les femmes actives.
Et de conclure que l’investissement dans l’autonomisation économique des femmes s’établit essentiellement à travers l’élaboration de programmes innovants qui visent à faciliter l’accès des femmes à des emplois décents, à accumuler des biens et à influencer les institutions et les politiques publiques qui déterminent la croissance et le développement.