Rabat – L’Académie du Royaume du Maroc a organisé, jeudi à Rabat, une journée d’étude pour présenter le livre de la poésie féminine hassani (Tebraâ), dans le cadre de ses efforts visant à documenter le patrimoine sahraoui des provinces du Sud du Royaume ainsi que le renforcement de la composante hassani dans l’identité nationale.
Cet œuvre, qui documente la poésie sahraouie des femmes des provinces du Sud, est le fruit d’un effort collectif de plusieurs chercheurs ayant recueilli des poèmes ou des partitions poétiques, pour les catégoriser, les traduire et les produire dans un style musical.
Le Tebraâ est une forme d’expression poétique où la femme manifeste son attrait à la beauté, au courage et à la loyauté de l’homme, en mettant en exergue sa souffrance qui traduisent son amour brûlant, ses sentiments profonds et ses douleurs.
Dans son allocution à l’occasion de l’ouverture de cette journée d’étude, le Secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume du Maroc, Abdeljalil Lahjomri, a précisé que cette manifestation s’inscrit dans le cadre de la célébration de la journée mondiale de la poésie, et vise à mettre en exergue les différentes formes d’expression hassanie des provinces du Sud, conformément aux dispositions de la Constitution.
M. Lahjomri a souligné l’importance de préserver ce genre de poésie féminine, sa transcription et sa publication, et de souligner sa place centrale dans la culture hassanie, puisqu’il représente un recueil qui a préservé la langue hassanie, et documenté les événements, et permis une expression forte et fidèle des sentiments.
Les sources anciennes ont passé sous silence les noms des poétesses de “Tebraâ”, en raison de la sensibilité de ce genre poétique dans les coutumes. Néanmoins, les femmes ont été créatives dans l’élaboration de ce genre poétique, destiné à l’homme.
De son côté, le coordinateur du projet de livre (Tebraâ), le professeur universitaire à l’Institut des études Africaines relevant de l’Université Mohammed V, Rahal Boubrik, a relevé que ce travail s’inscrit dans le cadre des efforts visant à mettre en valeur le patrimoine matériel et non matériel dans le Maroc sahraoui, ajoutant que ce livre est le fruit d’efforts consentis de collecte de 100 poèmes de “Tabri’a”, avec une explication concise en arabe puis en français.
M. Boubrik a fait savoir, dans une déclaration à la presse, que la présentation du professeur et chercheur au Centre National de la Recherche Scientifique à Paris, Catherine Taine-Cheikh, une des spécialistes en linguistique hassanie les plus remarquables, a permis de préparer une étude académique importante sur (Tebraâ), mettant le lecteur dans le contexte de ce genre poétique et de ses particularités.
Il a indiqué que ce projet s’est fait avec la contribution d’un groupe de travail de collaborateurs issus du Maroc, de France et de Mauritanie, sous la supervision de l’Académie du Royaume, qui l’a publié.
Pour sa part, la professeur universitaire à la faculté des Langues, Arts et Sciences Humaines relevant de l’université Ibn Zohr, Aziza Aguida a noté, dans une déclaration similaire, que l’objectif de ce travail littéraire s’inscrit principalement dans la retranscription et la préservation de l’héritage de la culture marocaine dans sa dimension Sahraoui, notamment ce genre de poésie oublié depuis longtemps, car associé aux femmes et aux contraintes de la société traditionnelle liées à la notion de la décence.
Elle a attiré l’attention sur le fait que la femme sahraouie a toujours jouit d’une place particulière qui lui a permit d’être à la fois un partenaire et un contributeur à la culture sahraouie, mais elle est restée absente de l’expression poétique en langue arabe classique.
Mme Aguida a ajouté que la femme sahraoui a trouvé une échappatoire dans le Tebraâ, qui a permit aux femmes d’exprimer leur situation psychique, leurs sentiments, en plus des questions nationales et humanitaires.
Elle a, en outre, mis l’accent sur la définition de ce genre de poésie et ses aspects linguistiques et sémantiques, depuis la dimension sociale contenue dans les vers de Tebraâ.
Du côté musical de ce projet, le musicologue et superviseur de la production musicale des poèmes enregistrés, Ahmed Aydoun, a indiqué avoir “essayé de s’approcher le plus de la voix naturelle de la musique sans utiliser les traitements de vocaux”.
“Nous avons tenté de lier les +maqamat+ (systèmes) musicaux connu sous le nom de “Azouan” et les formes poétiques”, a-t il ajouté, relevant que le lexique de Tebraâ s’inspire de la langue classique mêlée à des termes amazighs et africains.
Cette journée d’étude a été rehaussée par la présence d’une panoplie de spécialistes en littérature hassanie, et de femmes et d’hommes de la culture marocaine, et marquée par des lectures poétiques et des moments de musique.