La CDA Gallery abrite depuis le 13 janvier et jusqu’au 22 mars, l’exposition “Atlantide KM 130” de la photographe Imane Djamil, seconde partie de son travail autour de la ville de Terfaya où l’artiste démystifie son rapport conceptuel à la ville et donne chair à ce tableau imaginaire dépeint dans ses premières photographies.

“Cette fois-ci, je travaille étroitement avec un groupe d’enfants et d’adolescents nés parmi les ruines, à la recherche d’un temps perdu qui leur échappe, si ce n’est par le biais d’histoires familiales, ou d’une histoire plus globale, fantasmée sur fond de nostalgie”, explique l’artiste dans une déclaration à la MAP.

Ensemble, nous tendons à voir la désuétude comme une cour de récréation et la ruine comme un élément à reconquérir le temps d’une collaboration, lance-t-elle.

Dans son échange avec la MAP, Mme Djamil rappelle que sa rencontre avec la ville de Tarfaya est le fruit du hasard et de la nécessité, alors que l’artiste reliait Casablanca à Dakhla pour des besoins professionnels. La découverte de cette enclave fantomatique a été décisive dans le travail mené, fait-elle savoir.

Anciennement occupée par l’Espagne, et ayant connu une présence britannique au 19e siècle, Tarfaya vit au rythme de l’activité de son port de pêche et de ses ruines. Parmi elles, la Casa del Mar, une forteresse au milieu de l’océan ayant servi comme comptoir commercial au 19e siècle et comme prison sous l’occupation espagnole.

Dans une série de photographies et performances, Imane Djamil joue avec la figure de la Casa del Mar, érigée comme une plaie sur un corps en référence à son passé violent, la forteresse, recouverte par le sel de l’océan devient une cicatrice apprivoisée par le corps qui la porte désormais comme un patrimoine. Un patrimoine dont il faut, néanmoins, se soucier en urgence, l’océan le menant paradoxalement vers sa destruction.

Le travail d’Imane Djamil impose un lien étroit entre la scène photographiée et sa représentation photographique. Un rapport immersif à l’image qu’elle réinterprète dans Atlantis Km 130, seconde partie de son travail autour de la ville.

Elle démystifie son rapport conceptuel à la ville et donne chair à ce tableau imaginaire dépeint dans ses premières photographies.

En présentant ce travail, Tina Barouti, doctorante à l’université de Boston, curatrice et historienne des arts, estime que le travail visuel et littéraire d’Imane Djamil cherche la frontière très fine entre réalité et sublime, dans ce qu’elle appelle Géographies Mentales.

Des mondes contingents et inter-culturels s’interpénètrent à travers un assemblage narratif, créant de nouvelles topographies, indique Mme Barouti, également commissaire de l’exposition.

Pour Tina Barouti, l’intérêt d’Imane Djamil pour les lieux en transition post-traumatique la conduit vers une vision à mi-chemin entre l’intime et les contes visuels.

Des territoires comme Tarfaya, ville où est né le Petit Prince, personnage de Antoine de Saint-Exupéry, ou Sarajevo, deviennent des microcosmes conceptuels dans lesquels l’Histoire engendre un dialogue métaphorique avec des anecdotes personnelles ou politiques. En tant que nomade, c’est dans son travail visuel, littéraire et performatif, qu’Imane Djamil trouve refuge pour habiter poétiquement un espace éphémère, précise-t-elle.